Extrait de la chronique publiée publié dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine.
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Pour celles qui, comme moi, ne parlent pas latin, l’origine de ma question est là : de cunnus « vulve » et lingere « lécher ». Vous y ajoutez le suffixe-iste pour qualifier l’adepte de la chose, comme une violoniste joue du violon… Alors, en êtes-vous ? Quelle question ! Évidemment ! Mais si vous avez répondu NON, interrogez-vous : Pourquoi la baleine est-elle l’animal préféré des lesbiennes ? Eh bien, parce qu’elle est le comble des cunnilinguistes : elle a une langue de 2 mètres de long et un évent pour respirer au-dessus de la tête !
C’est notre marque de fabrique !
Broute-minou, broute-gazon, bouffeuse de chatte… tout ça c’est la définition qu’on nous prête. Mais brouter c’est « Manger en arrachant sur place » : on arrache avec les dents de devant et ensuite on écrase avec les dents du fond, vous voyez un peu l’horreur ! Brouter c’est aussi « Fonctionner de façon saccadée », genre « le moteur de ma BM broute, faut que je vérifie mes bougies ». Aaaaaarghhhh ! Bref, cunnilinguer, c’est tout sauf brouter ! On voit bien que ces appellations ont été faites par ceux qui n’y connaissent rien, des jaloux ! Autre poncif dans le genre : « Une femme qui tire la langue, c’est quoi ? Une lesbienne qui bande ! ». C’était une blague visuelle dans Flashdance, l’occasion de se remémorer Jennifer Beals il y a 35 ans (soit 20 ans avant The L Word), même si à mon avis elle est beaucoup mieux depuis qu’elle a dépassé la quarantaine. Pour les nostalgiques des années 80, revoyez Maniac, sans oublier que c’est une danseuse française, Marine Jahan, qui fait le boulot, cocorico ! Faire minette, donner sa langue au chat, à la chatte en l’occurrence, autant de références aux félines, grands lécheuses devant l’éternel, et tout aussi cunnilinguistes que nous, les humaines. Imaginez un peu deux léopardes en 69 sur une branche avec le coucher du soleil en fond… Désolée, je n’ai pas trouvé la vidéo sur YouTube, elle a dû être effacée ! Dans la même catégorie, les hyènes sont en apparence moins sexy, mais, avec leur clitoris externe de 20 cm de long, elles ont de quoi faire bien des jalouses. D’ailleurs, chez elles, on se reconnaît et se salue toujours en levant la patte arrière pour se faire renifler et lécher les organes génitaux. Tranquilles ! Nos cousines bonobos, chimpanzés, gibbons s’en donnent aussi à langue joie, de même que les ourses, les hérissonnes, les chauves-souris… chez qui ces pratiques sont officiellement documentées. Hors du monde animal, il est attesté par sa correspondance que notre fameuse gloire nationale, Napoléon, le grand, le Bonaparte, en était un farouche partisan. Et c’était bien avant la mode de l’épilation intégrale puisqu’il évoque le goût de « revenez-y » de la « forêt noire » de sa Joséphine, dont on n’ose imaginer ce qu’elle faisait, elle, avec son beau harnais ! Les verbes officiels de notre belle langue française sont : Gougnotter, issu de Gouine affublé du suffixe –ote (pour ajouter un petit côté péjoratif, comme dans camelote ou parlote, merci les gars !) et Gamahucher, sans doute issu de gama-ut qui désigne ‘le son le plus bas de la gamme’, motivé par l’idée de descendre sa tête là où elle n’est pas d’habitude sur le corps d’une autre… Mais je ne vais pas vous faire l’affront de vous expliquer de quoi il s’agit, d’autant que Youtube est plein de tutos, dans toutes les langues d’ailleurs !
Un art plutôt qu’une technique
Mais la caractéristique de cette pratique sexuelle est qu’elle n’est pas visuelle du tout. D’ailleurs, la plupart du temps, on ne voit rien de ce qui se passe, comme dans le tout premier film de l’histoire à suggérer un cunnilingus, film français évidemment, Les Amants, de Louis Malle, 26 secondes de suggestion, sur le visage et dans la main de Jeanne Moreau, c’était révolutionnaire, en 1958. Pour celle qui pratique, il s’agit d’un Art de l’attention à l’autre, du décryptage du langage corporel, la perception d’infimes mouvements, de la tension des muscles, des changements dans la respiration, l’interprétation de frissons, de gémissements et soupirs… Tout cela sans l’aide de la vue, parce que si vous voyez le visage et les doigts de pied de votre partenaire en même temps, c’est que vous avez un drone, c’est de la triche ! Mettre ces 5 sens en action pour procurer du plaisir, en plus de faire avec sa bouche tout ce qu’elle peut faire, lécher, sucer, titiller, aspirer à petites doses, souffler pour jouer, presser, caresser, embrasser… tout sauf parler – encore que, pendant un infime intermède, cela puisse être bienvenu. Tout cela en utilisant judicieusement les narines, puisque sans Art de la respiration point de cunnilingus ! Un excellent entrainement au snorkeling et à la plongée sous-marine. La blague de la baleine (ci-dessus) est significative, comme la fameuse devinette de Line Renaud dans le film Belle-maman ! Pas étonnant donc que le yoga tantrique s’y intéresse, d’autant que, du côté de celle qui reçoit les attentions, un Art du lâcher prise est requis, l’intensité maximale de plaisir se trouvant dans l’abandon aux seules sensations d’une zone corporelle bien délimitée. De la méditation érotique en quelque sorte ! Cet exercice spirituel, le taoïsme le recommande pour la santé physique et morale, un échange des fluides corporels, ceux de la bouche avec ceux de la Grotte du Tigre Blanc qui se trouve au pied du Sommet du Champignon Pourpre (le mont de Vénus chez les Occidentaux). Au point que l’impératrice Wu Zetian (vers l’an 700) imposait cette pratique aux visiteurs étrangers qui se présentaient à sa cour. Je me demande si c’était bon pour le commerce ou la diplomatie… Elle est malheureusement restée la seule impératrice régnante de toute l’histoire de Chine, ça n’avait pas dû plaire à tout le monde ! Je vous laisse imaginer s’il y avait eu Trump avec ses Twitts à l’époque ! Enfin, le sommet du cunnilingus, c’est un Art du Partage. Les plaisir d’offrir et plaisir de recevoir culminent en un plaisir de partager, sous la forme d’un 69 digne de la fusion cosmique du yin et du yang, l’intimité maximale que l’on puisse obtenir entre 2 êtres humains étant le 69 lesbien, c’était en tout cas la thèse du film Claire of the Moon.
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Retrouvez la chronique d’Anna Homonyme en intégralité dans le numéro de mars de Jeanne Magazine. N’oubliez pas qu’en vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer plus que 80 pages de contenu exclusif chaque mois !
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