LinkedIn et authenticité : Une conversation engagée avec Dorith Naon

Ghostwriter sur LinkedIn, Dorith Naon écrit des publications pour les chefs d’entreprise sur le recrutement inclusif, le management de bienveillance, la lutte contre les LGBTphobies ou encore l’écologie. Dans un monde professionnel en perpétuelle évolution, cette influente personnalité lesbienne de la plateforme apporte une perspective unique sur la visibilité LGBTQI+. Elle partage avec Jeanne son parcours jalonné de défis personnels et explique comment elle utilise sa visibilité pour soutenir des causes d’une importance capitale. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 111 de Jeanne Magazine.

En tant que figure clé (et rare) de femme lesbienne visible sur LinkedIn, comment perçois-tu l’évolution de la visibilité LGBTQI+ sur ce réseau social professionnel ? Elle est encore très limitée. Je connais des personnes qui sont très actives sur la plateforme mais qui choisissent de ne pas parler de leur identité LGBTQI+, par crainte. Cette crainte n’est pas unique aux réseaux sociaux, elle se reflète aussi dans le monde professionnel en général. 73% des personnes LGBTQI+ choisissent de ne pas aborder ce sujet au travail, pour des raisons similaires à celles qui les poussent à garder le silence sur LinkedIn. Elles craignent d’être mises à l’écart, jugées, stigmatisées ou discriminées. Sur les réseaux sociaux, il existe cette idée que si l’on affiche son identité LGBTQI+, cela pourrait décourager les employeurs ou clients potentiels, ou même nuire à notre image. Au travail, les mêmes préoccupations existent. On se demande si le fait de parler de notre identité LGBTQI+ pourrait compromettre nos perspectives d’augmentation de salaire, de formation ou de changement de poste, car on ne sait pas quel est l’état d’esprit de notre manager. Personnellement, étant sur LinkedIn depuis un an et demi, je ressens que je suis l’une des rares personnes à aborder ouvertement cette question et à dire : « Je suis LGBTQI+, et alors ? » Je crois fermement que nous devons faire progresser les mentalités. Je suis très engagée dans cette démarche.

Quels conseils donnerais-tu à celles qui hésitent encore aujourd’hui à être authentiques en ligne ? Je leur dirais de considérer le rejet par une entreprise en raison de leur identité lesbienne comme une opportunité. Cela vous fait économiser du temps et de l’énergie. Vous n’auriez pas été vous-même, vous auriez joué un rôle. Après tout, nous passons une grande partie de notre vie au travail, et à un moment donné, nous devons pouvoir être authentiques sans penser que certaines parties de notre vie doivent rester cachées. Si vous avez une compagne, vous avez une compagne, et vous devriez en être fière. Nous ne méritons pas d’être dans une situation où nous devons cacher notre identité. De mon point de vue, le monde du travail a évolué et nous devons accompagner cette évolution. Avant les employeurs avaient le pouvoir de décider qui embaucher, et les candidats devaient convaincre l’employeur de les choisir. Aujourd’hui, les candidats comprennent qu’ils ont de la valeur, et c’est à vous de demander à l’employeur pourquoi vous devriez le choisir lui plutôt qu’une autre entreprise. Cela passe par la connaissance de votre propre valeur et l’affirmation de vous-même, de votre identité. Les entreprises doivent également évoluer et adopter la bonne mentalité. À l’heure actuelle, cela devrait ne plus être un sujet. Nous sommes dans une ère où la marque employeur est cruciale, où les entreprises cherchent à promouvoir la diversité et l’inclusion, ainsi qu’une culture d’entreprise positive. Il est important de ne pas hésiter à sensibiliser votre employeur à ces questions, à lui expliquer comment cela peut contribuer à une meilleure image de l’entreprise et à une culture plus inclusive. Parfois, les employeurs ne pensent pas à mal, mais ils ne considèrent pas ces questions comme une priorité. Vous pouvez lui parler d’associations comme « L’Autre Cercle » qui créent des chartes d’engagement contre les LGBTphobies et leur expliquer que le respect et la tolérance au sein de l’entreprise dépendent également de l’engagement personnel du dirigeant. Si le dirigeant signe une charte, cela envoie le message que la tolérance et la diversité sont des valeurs fondamentales de l’entreprise, et cela devrait être une norme.

Ton parcours personnel a été marqué par des défis significatifs, comment ces expériences ont-elles influencé ton parcours en tant qu’entrepreneuse et influenceuse, et comment les utilisez-vous pour inspirer les autres ? Aujourd’hui, j’ai développé une mentalité très solide et une véritable aptitude à relativiser les choses, ainsi qu’à rechercher des solutions. Je suis dans une démarche de partage, car cela m’a pris de nombreuses années, un travail intense sur moi-même, pour transformer le chaos émotionnel qui a résulté de situations difficiles. Lorsque votre mère vous met à la rue à l’âge de 18 ans, que vous avez été maltraitée dans votre enfance, harcelée à l’école et que vous n’avez jamais eu de modèle émotionnel, cela crée un véritable désordre émotionnel. Vous n’avez pas appris à gérer vos émotions, et cela a également affecté mes relations amoureuses. Je pense que j’ai été une personne toxique dans de nombreuses de mes relations. Une fois que j’ai réussi à transformer cela en une énergie positive et constructive, à devenir une personne relativement équilibrée, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas garder cela pour moi. J’ai une mission importante, celle d’inspirer les autres, car malheureusement, de nombreuses personnes vivent des vies difficiles, à différentes échelles, en particulier au sein de la communauté LGBTQI+. Je souhaite partager mon histoire dans son ensemble pour encourager les gens à oser être eux-mêmes, à ne pas se conformer aux attentes de la société, et à être fiers de qui ils sont. C’est d’une importance cruciale. Les épreuves sont là pour être surmontées, même lorsque vous pensez que c’est impossible, que vous ne pouvez pas vous en sortir, que vous êtes au plus bas, vous êtes beaucoup plus forte que vous le pensez. Par exemple, lorsqu’on se retrouve sans domicile fixe, sans personne pour nous héberger, on peut penser qu’il n’y a plus d’espoir. Mais finalement, j’ai reçu de l’aide d’une association pour les jeunes sans abri et de personnes que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam, qui m’ont hébergée et se sont montrées exceptionnelles. Aujourd’hui, touchons du bois, je suis entrepreneure, je gagne bien ma vie, je passe à la télévision. On peut partir de très bas et atteindre des sommets, tout en restant conscient que rien n’est acquis définitivement. (…)

Comment intégrez-vous vos engagements personnels dans votre travail et dans les messages que vous aidez à partager ? Il y a toujours des opportunités pour en parler. Lorsque je fais des publications sur les sujets LGBTQI+, j’en profite pour mentionner que je suis ambassadrice du Refuge et pour expliquer brièvement leurs actions. Ensuite, je les mets en avant sur mon profil LinkedIn et sur mon compte Instagram, en incluant des informations sur leurs activités. Mon objectif est de leur offrir une visibilité maximale. Je ne prétends pas être une experte en question LGBTQI+, car il y a des personnes bien plus qualifiées que moi dans ce domaine. En revanche, j’ai le pouvoir de la visibilité, et c’est ce que je peux offrir. Stéphane Carchon, qui est à la tête de « Mots et maux de femme, » compte sur un maximum de marraines pour soutenir et visibiliser l’association. Karine Lemarchand, Nathalie Baye, et Isabelle Rome sont également marraines. Cela donne du poids à nos actions et ouvre davantage de portes pour des projets. Donc, mon rôle est de contribuer à cette démarche en utilisant ma visibilité. Par exemple, pour la prochaine Journée internationale des droits des femmes, je vais faire un discours contre les violences faites aux femmes, ainsi qu’un podcast. Lorsque je publie des articles sur les violences conjugales, je tague également ces associations pour leur donner de la visibilité. Récemment, Le Refuge a lancé une nouvelle initiative : un de ses ambassadeurs intervient chaque semaine devant les grands donateurs de l’association, qui sont généralement des chefs d’entreprise. J’ai eu l’honneur de lancer cette initiative en faisant un discours et nous l’avons enregistré pour le partager sur mes réseaux sociaux en post collaboratif avec Le Refuge. Je tiens à préciser qu’en tant qu’influenceuse LinkedIn, je facture les entreprises lorsque je tague leur page entreprise ou que j’explique leurs actions. Cependant, je ne facture jamais les associations. C’est une ligne directrice que je ne transgresse pas. J’ai découvert que certaines personnes, même plus célèbres que moi, demandent des sommes exorbitantes pour promouvoir des associations, ce qui m’a un peu surprise. Chacun est libre de faire ce qu’il veut avec sa visibilité, mais pour moi, l’impact social est une priorité, et je suis heureuse d’être une porte-parole.

Ton livre LinkedIn. Booste ta visibilité, publié en mai dernier, offre 11 conseils délivrés sur le ton de l’humour pour accroître sa visibilité et se démarquer sur ce réseau social. Comment envisages-tu le rôle de l’humour dans la communication sur des sujets tels que l’emploi, l’inclusion et la diversité, particulièrement sur des plateformes où les discussions peuvent parfois être délicates ? Lorsque je suis arrivée sur LinkedIn, le ton était très normé et académique. Cela ne correspondait pas du tout à ma personnalité, car je suis plutôt du genre fun et dynamique. Je voulais faire de LinkedIn le réseau que j’aurais aimé avoir, en m’inspirant de mes expériences sur Skyrock, où l’humour avait un rôle essentiel. À la base, LinkedIn n’était pas du tout ma plateforme de prédilection, car je venais de Skyblog où j’avais créé trois blogs qui ont été très populaires. L’un de ces blogs était axé sur l’humour, et j’ai constaté à quel point cela plaisait au public. Je ne comprenais pas pourquoi les gens sur LinkedIn s’obligeaient à adopter un ton sérieux et formel. J’avais l’intuition que beaucoup de ces personnes avaient également cette facette plus légère et humoristique en elles. J’ai donc décidé de briser cette norme en montrant que le monde professionnel était composé de personnes, et que nous ne passions pas notre temps à parler exclusivement de travail. (…)

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Photo Sofyann Pagès – Retrouvez Dorith Naon sur LinkedIn et Instagram.

L’intégralité de la rencontre avec Dorith Naon est disponible dans le numéro 111 de Jeanne Magazine.