Membre de l’équipe de France de paracyclisme, championne du monde, médaillée de bronze à Tokyo, Marie Patouillet participe cette année à la Coupe du monde, au Championnat du monde, puis aux JO de Paris en 2024. Rencontre avec l’athlète qui est également une personnalité active sur les réseaux sociaux, utilisant sa plateforme pour lutter contre les injustices et l’homophobie. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 108 de Jeanne Magazine.

Comment le sport a-t-il influencé votre vie et comment continue-t-il de le faire ? Dès ma naissance, j’ai été confrontée à une malformation de la jambe et du pied gauche. Bien que ce handicap soit initialement invisible, il affecte néanmoins le fonctionnement de ma jambe. Depuis mon plus jeune âge, j’ai ressenti le besoin de prouver que malgré cette différence, j’étais aussi forte que les autres. Le sport est devenu mon moyen de répondre aux moqueries que je subissais à l’école. Sur le terrain de football ou de basket, je pouvais prouver à tous que j’étais différente, mais que je n’étais pas loin d’être meilleure que la plupart d’entre eux. Le sport est devenu mon exutoire, me permettant de libérer ma colère et de faire face à l’injustice. Il m’a également permis de me prouver à moi-même que, même si je suis physiquement différente, je ne suis pas brisée.

Il vous a permis de vous construire aussi d’une certaine manière… Absolument ! Le sport m’a permis de développer un état d’esprit et un caractère axés sur la découverte de mes limites et le dépassement de soi. C’est grâce au sport que j’ai gagné confiance en mes capacités et que j’ai pu entreprendre des études de médecine. Par le biais de ces études, j’ai découvert ma capacité à faire preuve de résilience, ce qui m’a renforcée dans ma pratique du sport de haut niveau. En réalité, le sport m’a conduite à la médecine, et la médecine m’a ramenée vers le sport. (…)

Vous êtes une figure emblématique du handisport, et votre parcours est une source d’inspiration pour de nombreuses personnes en situation de handicap qui pourrait penser que la pratique d’un sport à haut niveau est compliquée. Quel message souhaiteriez-vous leur transmettre, et comment pensez-vous que le sport handisport peut continuer à se développer pour devenir encore plus inclusif et accessible à tous ? Tout d’abord, je voudrais dire à toutes les personnes en situation de handicap qu’en réalité, très peu de handicaps sont incompatibles avec la pratique d’une activité physique. À part l’insuffisance respiratoire, qui peut être délicate à adapter à l’activité physique en raison de l’augmentation du rythme cardiaque et de la fréquence respiratoire, la plupart des autres handicaps peuvent être pris en compte et adaptés pour permettre la pratique d’un sport. Ce qui manque aujourd’hui en France, c’est surtout la visibilité du handisport. J’espère que les Jeux de Paris pourront contribuer à remédier à cela. De plus, je souhaite qu’après Paris, de plus en plus de structures telles que des associations sportives, des clubs et des écoles soient habilitées à accueillir des enfants en situation de handicap, afin qu’ils puissent s’épanouir dans la pratique sportive. Par ailleurs, il est essentiel de conjuguer l’inclusion plurielle en prenant en compte les différentes formes de discrimination, au-delà du handicap seul. En développant cette approche inclusive, le sport handisport pourra devenir encore plus accessible à tous.

Pourquoi la notion d’intersectionnalité vous motive-t-elle, et pourquoi pensez-vous que cela ne soit pas suffisamment abordé de cette manière aujourd’hui ? La notion d’intersectionnalité me tient énormément à cœur, peut-être parce que je la vis moi-même. Dans notre société, lorsque nous défendons une cause, nous avons souvent tendance à en négliger les autres. Participer aux Jeux Olympiques ou Paralympiques représente non seulement une quête de performance personnelle, mais également une occasion de visibilité. Nous espérons pouvoir transmettre des valeurs, des émotions et inspirer les jeunes, tout comme d’autres athlètes m’ont fait rêver quand j’étais enfant, à l’instar de Marie-José Pérec.
Cependant, il me serait difficile d’essayer de susciter l’admiration d’un petit garçon ou d’une petite fille sans m’engager dans la lutte contre le sexisme ou l’homophobie. Car promouvoir une performance olympique ou paralympique tout en ignorant les problématiques sexistes et misogynes qui persistent dans certains sports. Par conséquent, pour moi, participer aux Jeux sans prendre position sur ces combats n’aurait pas beaucoup de sens. Il est essentiel d’aborder l’intersectionnalité et de s’engager dans ces luttes pour créer un environnement sportif plus inclusif et égalitaire.

Vous êtes une personnalité très active sur les réseaux sociaux, et vous utilisez votre plateforme pour lutter contre les injustices et l’homophobie. Selon vous, comment le sport peut-il être un levier pour promouvoir l’inclusion des personnes LGBT+ dans la société ? Comment pensez-vous que les acteurs du sport peuvent faire évoluer les mentalités et encourager l’acceptation de la diversité ? Le sport peut jouer un rôle essentiel dans la promotion de l’inclusion des personnes LGBT+ dans la société. En tant qu’acteurs du sport, nous avons la possibilité de faire évoluer les mentalités et d’encourager l’acceptation de la diversité. Cependant, cela dépend de chaque individu. Je pense que toute personne appartenant à la communauté LGBT+ et se sentant capable de porter ce message lorsqu’elle participe à des compétitions nationales ou internationales, qu’il s’agisse de fouler un terrain, de monter sur un vélo ou de chausser ses chaussures pour une course, joue un rôle important. Lorsque nous prenons le départ d’une compétition qui bénéficie d’une certaine visibilité, une part de nous est politique. Si nous avons la capacité et la force d’épaules nécessaires, nous pouvons participer à ce combat.
En utilisant notre plateforme, nos performances sportives et notre visibilité, nous pouvons véhiculer un message d’inclusion et de fierté envers notre communauté. En défiant les stéréotypes et en étant authentiques, nous pouvons inspirer et encourager les autres à accepter la diversité et à lutter contre l’homophobie. Le sport peut être un moyen puissant pour sensibiliser, éduquer et faire évoluer les mentalités, tant sur le terrain que dans la société en général.

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L’intégralité de la rencontre avec Marie Patouillet est disponible dans le numéro 108 de Jeanne Magazine.

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