Au cœur de la lutte pour les droits LGBTQ à Malte avec la militante Kirsty Farrugia

Depuis 2016, Malte caracole en tête du classement de l’Ilga des pays les plus LGBTfriendly d’Europe et cette année, La Valette, la capitale de l’île accueillera l’Europride, du 7 au 17 septembre prochain. En attendant l’événement qui donnera lieu à 10 jours de fêtes et de concerts pour célébrer nos droits, Jeanne a rencontré Kirsty Farrugia, coordinatrice au sein du Mouvement maltais pour les droits des LGBTQI. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 106 de Jeanne Magazine.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à vous engager dans l’activisme LGBTQ ? Je pense vraiment que je veux et que je dois rendre à la communauté LGBTQI ce qu’elle m’a donné, même si ce n’est qu’un peu. Peu de gens peuvent comprendre cela, mais depuis que j’ai commencé, je ne peux pas imaginer ne pas m’impliquer d’une manière ou d’une autre. En tant que militante et en tant que lesbienne, chaque fois que j’entends des commentaires négatifs, mon cœur bat à tout rompre. L’histoire de la communauté LGBTQI tend à être délibérément ignorée par les médias grand public et le système éducatif. La lutte contre l’oppression, les assassinats, les placements dans des institutions psychiatriques et les arrestations n’auraient pas été possibles sans les pionniers de la communauté LGBTQI. Cela me donne le sentiment que je « dois » quelque chose à la communauté. (…).

Comment décririez-vous l’acceptation sociétale des personnes LGBT à Malte ? Y a-t-il eu des changements significatifs au fil des ans ? Je suis reconnaissante, mais aussi fière, que Malte ait fait d’énormes progrès ces dernières années, ce qui n’était qu’un « rêve » il y a encore quelques années pour toute personne LGBTQI à Malte et plus encore pour les militants qui se sont battus et ont fait pression sans résultat positif ces dernières années avec le gouvernement précédent. Parallèlement aux mesures positives prises dans les pays d’Europe occidentale et par effet d’entraînement, le Premier Ministre Dom Mintoff a dépénalisé l’homosexualité en 1973, après des débats incessants avec le parti nationaliste qui s’y opposait. En 1997, les médias ont tenté d’aborder ce que l’on appelait les questions homosexuelles dans le cadre de l’émission télévisée Xarabank. Entre cette année et 2001, aucune autre discussion ne semble avoir eu lieu dans les médias et, si c’est le cas, aucun enregistrement n’a été trouvé. En 2001, l’activisme politique a évolué et c’est cette année-là que le Mouvement maltais pour les droits des homosexuels a été fondé. L’année 2004 a ensuite été marquée par une autre étape importante au niveau local, qui a toujours lieu chaque année : la marche des Fiertés. À l’époque, le mouvement reposait sur les quelques volontaires qui prenaient le risque d’y participer. Le fait que le mouvement existe toujours après toutes ces années et qu’il a fait évoluer la législation et les politiques, ce qui représente une réussite pour l’ensemble de la communauté LGBTQI locale. Le lobbying, l’action continue et le changement de gouvernement en 2013 ont permis la victoire des droits humains, de l’égalité et de la protection des droits. (…)

Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les personnes LGBT à Malte ? Je pense que l’un des principaux défis pour l’ensemble de la communauté LGBTQI, est la montée en puissance d’une communauté chrétienne conservatrice et évangélique, dont des membres dits « ex-gay » qui protestent contre le projet de loi maltais sur l’égalité depuis quelques années et qui s’en prennent aux personnes LGBTQI. En outre, l’un des principaux défis pour les lesbiennes au niveau local est le manque d’espaces dédiés, de bars, de fêtes et de cafés pour lesbiennes, avec très peu d’événements lesbiens. L’un d’entre eux, le WomenSpace, est un festival de musique et d’art, que nous organisons, et qui est exclusivement réservé aux femmes.

L’EuroPride 2023 aura lieu à Malte du 7 au 17 septembre. Qu’attendez-vous de cet événement ? J’ai récemment rencontré l’un des organisateurs et je sais déjà que l’événement sera grandiose. En dehors des nombreux événements, des conférences, des expositions, des soirées, je m’attends à ce que l’EuroPride 2023 soit une grande fête. Je m’attends à ce que de nombreuses personnes se retrouvent sur notre petite île pour célébrer ensemble la fierté, en partageant leurs connaissances, leur culture, leurs expériences, leur expertise et apprendre les unes des autres.

Avec la lumière braquée sur Malte lors de cet événement, quel message souhaiteriez-vous envoyer aux pays qui sont hostiles aux personnes LGBT ? Il y a quelques années, Malte n’aurait jamais rêvé de ces progrès en matière de droits des personnes LGBTQI et nous avons encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne les droits des femmes. Par conséquent, le combat continue et il en va de même pour les personnes qui vivent dans des pays qui sont encore hostiles aux personnes LGBT. Continuez à vous battre en envoyant votre message. À toutes les personnes LGBTQI qui ne peuvent pas être avec nous pendant l’EuroPride 2023 et qui ne peuvent même pas participer à leur marche des Fiertés dans leur pays pour des raisons de sécurité, à celles qui luttent pour accepter leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, à toutes celles qui ne peuvent pas le dire à leurs parents : vous êtes dans mes pensées. Aux réfugiés LGBTQI, à ceux qui sont en prison, à ceux qui aimeraient que leurs parents leur disent : « Je suis fier de toi quoi qu’il arrive », à ceux qui n’ont personne vers qui se tourner dans leur pays : soyez FIERS de ce que vous êtes, vous êtes magnifiques et je marcherai sans aucun doute pour vous. Cela va s’améliorer !

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https://maltagayrights.org/

L’intégralité de la rencontre avec Kirsty Farrugia est disponible dans le numéro 106 de Jeanne Magazine.