Premier long-métrage de la réalisatrice chilienne Nicol Ruiz Benavides, Les Sentiers de l’oubli, est sorti cet été au cinéma et sera projeté le 17 septembre au festival In & Out à Nice et le 19 au festival D’un Bord à l’Autre à Orléans. Un joli film lesbien, distribué par Outplay, porté par Rosa Ramírez Ríos qui a reçu le prix d’interprétation de la 26ᵉ édition du festival Chéries-Chéris en juillet dernier. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 88 de Jeanne Magazine, avec la réalisatrice qui revient notamment sur son choix d’aborder l’homosexualité féminine à l’âge mûr et sur la difficulté de vivre ouvertement son homosexualité au Chili et partage aussi ses espoirs concernant le projet de loi en faveur du mariage pour tous, qui vient d’être approuvé le 21 juillet par le Sénat chilien.
En tant que réalisatrice, scénariste et productrice des Sentiers de l’oubli, cela a dû être une première expérience incroyablement enrichissante. Comment ce projet a-t-il pris vie ? Tout a commencé à partir d’une idée et d’une envie que j’avais de raconter cette histoire. C’était un besoin profond que je ressentais de parler de liberté – tout le reste, je l’ai découvert au fil du chemin. Développer ce film du début à la fin a été en effet un processus très enrichissant, j’ai appris énormément de choses sur toutes les étapes nécessaires pour que le projet aboutisse. Je suis aussi reconnaissante d’avoir pu partager tout cela avec une équipe professionnelle et des personnes bienveillantes autour de moi. (…)
Les Sentiers de l’oubli décrit parfaitement le chemin vers la liberté emprunté par Claudina et aussi l’homosexualité à un âge mûr. Pourquoi avez-vous choisi d’aborder l’homosexualité féminine par cette approche générationnelle ? Je souhaitais avant tout parler de ces femmes oubliées par la société. Parler de liberté quand il n’y a pas de retour possible. L’un de mes objectifs était de m’adresser à toutes ces femmes que j’ai rencontrées et qui pensent que quelqu’un d’autre contrôle leur vie et prend leurs décisions. Les Sentiers de l’oubli est ma lettre d’amour à elles toutes. Et c’est une lettre d’amour à moi également, pour me rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour vivre sa vie comme on l’entend. (…)
Au Chili, depuis 2015, il est possible pour les couples de même sexe de légaliser leur union grâce à un partenariat civil. Mais à travers les yeux de la fille de Claudina dans le film, on comprend que l’homosexualité est encore parfois difficilement acceptée. Comment expliqueriez-vous sa réaction et pensez-vous qu’une femme puisse être ouvertement lesbienne aujourd’hui au Chili ? C’est certain qu’il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet tabou et tout particulièrement pour les femmes d’un certain âge. Au Chili, il est souvent vu d’un mauvais œil de faire partie de la communauté LBGTQ+. Aujourd’hui encore c’est un sujet de débat et de jugement, et j’espère sincèrement que les nouvelles générations seront à l’origine d’un changement à ce niveau-là. Le milieu queer souffre quotidiennement au Chili. Il est même difficile de se sentir en sécurité dans le pays parce qu’il y a tellement de discriminations. Et pourtant les lois évoluent, cette semaine par exemple le mariage entre couples de même sexe a été approuvé, mais il y a encore tellement à faire pour éduquer la société, qui a beaucoup de haine, d’idées préconçues et dépassées sur le sujet.
En Amérique du Sud, l’Argentine, le Brésil, la Colombie et l’Uruguay ont déjà ouvert le mariage aux couples de même sexe. Le Chili, comme vous venez de nous le préciser, vient également tout juste de l’approuver. Diriez-vous que la population chilienne est, elle aussi, prête à cette avancée vers l’égalité des droits ? Cette loi est une belle avancée pour le Chili. Il ne devrait jamais y avoir de différence dans le mariage quelle que soit l’orientation sexuelle des membres du couple. Le Chili et le reste du monde doivent arrêter de nous diaboliser et je pense d’ailleurs que l’église devrait cesser d’exister. La communauté hétérosexuelle a tellement à faire pour nous rendre tout ce qu’il nous ont pris ; je rêve d’un jour où les jeunes ado chiliens pourront aimer qui ils le souhaitent sans peur ; je rêve aussi de pouvoir tenir la main de ma compagne dans la rue sans avoir peur de mourir. Aujourd’hui, certes le mariage est approuvé, mais ils refusent que l’on éduque les jeunes à ce sujet dans les écoles. Beaucoup manque encore pour l’égalité. (…)
Retrouvez l’interview de Nicol Ruiz Benavides en intégralité dans le numéro 88 de Jeanne Magazine.
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