On connaît toutes l’impact de la crise sanitaire. Elle attaque tout particulièrement les rencontres amoureuses. La crise sanitaire ne fait que rajouter à une problématique déjà difficile : faire des rencontres quand on est une femme LBQ, dans une société hétéronormée. Par Stéphanie de Drague Queer. Cet article a été publié dans le numéro 84 de Jeanne Magazine.
D’abord, je pense qu’il est important de s’autoriser la tristesse, la déception, la frustration ou la colère. Chaque émotion chez nous a sa fonction. Alors oui, autorisez-vous à pleurer, autorisez-vous à vous indigner : vous en avez le droit et le devoir. Mais vous savez… je ne suis pas quelqu’une de défaitiste. Au contraire. Je pense que chaque obstacle, chaque épreuve dans la vie, peut aussi être une belle occasion pour faire preuve de créativité. Pour sortir des sentiers battus, de sa « zone de confort », et finalement s’autoriser à expérimenter de nouvelles choses. Et je sais de quoi je parle : je suis éducatrice spécialisée. Je dois, chaque jour, et auprès d’un public extrêmement fragile, relever avec eux les défis de leur quotidien. Ce sont des situations très difficiles. Et pourtant, je ne connais pas la notion d’échec. L’échec n’est qu’une action que l’on a tentée, mais qui n’a pas fonctionné pour atteindre notre objectif. Ce qui nous pousse à penser « échec » avec un poids cuisant, c’est simplement qu’on donne plus de valeur à l’action qu’à l’objectif. Mais cela ne veut PAS dire qu’il n’existe pas d’autres moyens de faire, qui conduiront à la réussite de votre objectif. L’échec nous guide, pour devenir meilleure, pour nous surpasser, pour trouver l’équilibre entre ce qui nous fait du mal, et ce qui nous fait du bien. L’échec nous apprend sur nous-même et sur les autres. Dans le domaine amoureux, je vous partagerais cette citation d’Amélie Nothomb : « Il n’y a pas d’échec amoureux, c’est une contradiction dans les termes. Éprouver l’amour est déjà un tel triomphe que l’on pourrait se demander pourquoi l’on veut davantage ». Cela ne veut dire pas dire que vous ne devez, ou ne pouvez pas, aspirer au bonheur amoureux. Cela veut dire que chaque expérience amoureuse est une richesse pour celle qui sait dire merci. Merci aux êtres humains qui ont croisé votre route. Merci à cette femme de vous avoir fait éprouver ce sentiment, même non réciproque. Merci à cette autre femme pour vous avoir accordé son temps, sa confiance ou son amitié. À vrai dire, je sais que c’est plus compliqué que ça. Vous vous dites sûrement : « Oui, oui, c’est bien joli ton monde de Bisounours Stéphanie, mais en attendant, moi, je souffre ». Et oui, bien sûr, vous aurez raison. Je sais ce que cela fait de penser que la vie n’a plus rien de joli, amoureusement, à vous offrir. Je sais. J’ai déjà pensé que, jamais plus, je ne rencontrerais l’amour. J’ai déjà pensé que l’amour, ce n’était pas pour moi. J’ai déjà pensé faire une retraite dans un temple bouddhiste et renoncer à la passion (si si, c’est vrai). Alors, quand vous vivez ça, et que quelqu’un vous dit : « Tu rencontreras quelqu’un, sois patiente » ou « Ne t’en fais pas, c’est temporaire », vous avez juste envie de lui répondre qu’il ne comprend pas. Il ne comprend pas que ce dont vous avez besoin, c’est d’abord, d’avoir le droit de vous plaindre, d’être écoutée, et entendue. Parce que oui, c’est difficile. Et ensuite, que vous avez besoin de solutions. Alors, concrètement, qu’est-ce que je peux vous proposer ? Pour vous, j’ai décidé de repartir au point de départ. D’imaginer un monde où je ne connais pas Léna. Où je suis totalement célibataire. Une année où je dirais « Je vais rencontrer l’amour ! », et puis soudain, la crise sanitaire me frappe de plein fouet. Mince. Comment je ferais alors pour rencontrer des femmes qui me plaisent ? Cet article sera une liste d’idées créatives, pour faire cette rencontre, alors que tous les bars et les restaurants sont fermés, et que vous ne pouvez même plus faire les yeux doux à une femme durant la Marche des Fiertés. Relevons ensemble ce défi amoureux !
Faire des rencontres
Me revoilà seule, célibataire (parce qu’on peut être célibataire mais, ne pas être tout à fait seule…), abandonnée à moi-même. Ce que je ferais, déjà, c’est de réfléchir aux différentes façons de faire des rencontres, en respectant les règles imposées par l’État. Je me dirais alors qu’il existe deux grandes catégories de rencontres : le réseau virtuel et le réseau « In Real Life ».
Les groupes et les communautés en ligne
Voilà un fait très étonnant que j’ai découvert il y a peu : il existe des centaines de groupes Facebook pour les lesbiennes. Un certain nombre vont y raconter qu’elles ne parviennent pas à faire des rencontres, que c’est difficile, avec la crise sanitaire… mais, il y a quelque chose qui me surprend. Dans le fil de ces conversations… rares sont celles qui proposent une sortie entre filles ! Elles ne se disent pas que, sur ces groupes elles ont la possibilité de créer un événement. Alors que cela se fait très naturellement sur d’autres groupes Facebook. La crise sanitaire n’interdit pas les rassemblements. Vous pouvez très bien décider de faire un groupe restreint (selon arrêté préfectoral) à l’extérieur. C’est une initiative que j’ai pu voir dans mon département : un groupe qui proposait à tous les LGBTQ+ et hétéro gayfriendly de se rejoindre pour un pique-nique. Il existe des sites, comme Meetup par exemple, qui permettent de créer ce genre d’événements. Et si ce n’est pas dans le réel, il est aussi possible de proposer un live Facebook ou Zoom, pour que chacune puisse discuter autour d’une question, comme un café-débat. Alors moi, si j’étais sur un de ces groupes et que je voulais faire des rencontres, je proposerais de faire cette rencontre, j’irais voir ce qu’il se fait dans ma commune et je participerais aux initiatives, ou bien je créerais un groupe pour les LGBTQ+ avec une thématique, une activité à faire ensemble. Voilà ce que cela peut révéler : la rencontre n’est pas limitée au moyen. Elle dépend aussi de la force de propositions et d’initiatives. De votre côté, votre capacité à oser tenter de nouvelles expériences, à sortir la tête de l’eau, à proposer, et regarder les opportunités qui peuvent s’offrir à vous. Alors si personne ne le propose pour vous… n’ayez pas peur de le proposer. Le pire qui puisse arriver, c’est qu’il n’y ait pas assez de personnes qui vous répondent. Mais d’un autre côté, si vous ne proposez pas… rien ne pourra se passer. Mais voilà, imaginons que personne ne réponde à ma proposition et que ça fasse un flop. Je m’indignerais un bon coup, et puis, j’essaierais de rebondir. Je me dirigerais vers une valeur sûre : les applications de rencontre. Mais pour que ça fonctionne, il faut les utiliser correctement. Et, d’après les retours que je peux avoir, je pense que beaucoup d’entre vous font cette erreur assez commune.
Les applications de rencontre sont des moyens
C’est un fait : la crise sanitaire pousse à utiliser de plus en plus ces technologies. Il est loin le temps où la seule rencontre qui avait de la « valeur » était la rencontre « à l’ancienne ». Tout le monde, ou presque, a déjà utilisé une application de rencontres. Je ne comprends pas toujours pourquoi on dévalorise autant la rencontre en ligne. Oui, bien sûr, il y a un marché. On peut avoir la sensation d’être un produit. Mais c’est le cas aussi des bars ou boîtes de nuit LGBTQ+ : lorsque des femmes vont dans ces bars, il existe aussi l’espoir d’y faire de belles rencontres. Et la gérante a aussi l’espoir de vendre la rencontre « communautaire » et c’est très bien : il faut bien une rentrée d’argent pour que ces lieux puissent exister. Eh bien, c’est la même chose pour les applications. Le problème, ce n’est pas le fait que vous puissiez être en lien avec des femmes, même partout dans le monde, si vous le voulez. Personnellement, je dirais que c’est une chance incroyable. Le problème, c’est de considérer que les applications de rencontre SONT les rencontres. Elles ne sont que le MOYEN de faire la rencontre. C’est seulement une mise en contact. La vraie rencontre, elle, se fera toujours dans la vie réelle, avec deux vraies personnes qui se parlent, se découvrent, s’attirent et se séduisent. C’est pourquoi je conseille toujours aux lectrices du blog de ne pas rester trop longtemps sur ces applications, à échanger de looooongs mails durant des semaines, sans avoir une seule fois proposé de se voir en vrai : tout simplement parce que ces échanges ne sont PAS la rencontre.
Alors voilà, j’échange avec une fille, le courant passe bien, mais pas de bol, le passage au réel n’est pas possible tout de suite. Alors, je pourrais redoubler de créativité pour rendre les choses attrayantes. Je lui proposerais par exemple :
1/ De s’envoyer des colis surprises (après avoir tout désinfecté, bien sûr…). Par exemple, j’avais proposé à une femme que l’on s’envoie quelque chose qui nous représente, comme un don, un troc. Ça peut être, un livre, un bijou fait main, un croquis… et raconter votre histoire autour de ça.
2/ De s’envoyer des lettres plutôt qu’un mail, ou des messages. Une lettre donne une saveur bien différente aux échanges. Vous pourriez avoir la sensation d’une correspondance épistolaire digne de Sartre et De Beauvoir.
3/ De se donner des défis. Par exemple, de s’envoyer un enregistrement avec le passage d’un livre qu’on adore (je prendrais alors ma plus belle voix…), un question/réponse ou un « action ou vérité », ou pourquoi pas, de partager mon savoir en faisant un tuto spécialement pour elle (la guitare a un effet très mystérieux sur les femmes…).
4/ De se prévoir un date en visio. Pour donner plus de fun, je pourrais lui donner des consignes, par exemple, une tenue réglementaire, une boisson, une activité qu’on pourrait faire ensemble durant ce temps…
5/ De se regarder un film en instantané et de jouer les commentatrices. Évidemment, on évitera les films indépendants torturés où le cerveau bouillonne.
Bien sûr, tout dépend de votre personnalité et de la sienne, de ce à quoi ressemblent vos échanges. Mais si vraiment, pour vous, faire des rencontres via le net, c’est un peu comme vendre votre âme au diable, si vous voulez le « piment » de l’incertitude, et tester votre potentiel de séduction dans votre quotidien… je vais vous donner les clés pour faire des rencontres IRL. Ce qu’il y a de magique, c’est que plus vous pratiquerez ce que je vais vous décrire, et plus ce sera facile et naturel pour vous.
Vouloir vivre des rencontres, AVANT de faire la rencontre
La rencontre « IRL » a d’autres codes, d’autres règles que sur le net. Sur les réseaux virtuels, particulièrement les applications de rencontre, vous avez un panel de possibilités et d’opportunités pour rencontrer des femmes LBQ. Il vous suffit de vous concentrer sur la séduction, en quelque sorte. Dans la vie réelle, l’orientation de chaque femme peut être un doute. Vous avez donc déjà l’appréhension de savoir si cela vaut la peine. C’est compréhensible : il est difficile de se faire confiance quand on a vécu des râteaux ou qu’on ait fait face à un mur impossible à franchir. Mais malheureusement… c’est typiquement l’erreur à ne pas faire pour rencontrer des femmes LBQ au quotidien. Si vous n’y parvenez pas, c’est probablement que vous ne prenez plus plaisir à découvrir les humains qui vous entourent pour ce qu’ils sont. Que vous ne cherchez pas suffisamment à découvrir ce que chaque être peut vous apporter. Or, si vous souhaitez faire des rencontres IRL, cela signifie que vous devez accepter l’idée que la rencontre est plus importante que le fait de développer une relation amoureuse. Parce que, si, vous-même, vous avez horreur des sites de rencontre, que vous comparez à un « supermarché à ciel ouvert », alors, il faudra aussi refuser l’idée que les rencontres dans votre quotidien le deviennent. Tant que vous avez en tête de « rencontrer l’amour » en allant parler à des femmes, ou en refusant de vivre des expériences, si ça ne vous le permet pas, vous ne parviendrez pas à rencontrer des femmes LBQ, avec le risque de vivre déceptions et frustrations. À titre personnel, je peux vous dire que, lorsque j’emménage dans une nouvelle ville, ou à chaque fois que je découvre un nouveau groupe social, je parviens à rencontrer au moins deux femmes LBQ. Et ça m’est arrivé même dans les plus petites campagnes françaises (de 4000 à 13000 habitants pour ma part). Voici comment je procède.
Apprenez à créer votre Toile
Vous connaissez sûrement « La Toile » de The L Word, qui a fait beaucoup parler d’elle. Et si vous n’avez pas une telle toile dans votre vie actuellement, ce qu’il faut comprendre c’est que chaque personne a son propre réseau. Et évidemment, plus vous touchez un aspect communautaire (comme les LGBTQ+), plus vous êtes susceptible de rencontrer des personnes partageant cet aspect. Et il se trouve que, dans le réseau du réseau de votre réseau, il existe probablement une, ou des femmes LBQ. Ce qu’il y a de génial, c’est que lorsque vous rencontrez une personne, pour peu qu’elle vous apprécie et passe un bon moment avec vous, elle aura sans doute envie de vous inviter à un événement personnel avec d’autres de ses ami.e.s, ou de vous présenter à d’autres personnes. Et si vous êtes lesbienne, il y a fort à parier qu’une personne qui connaît une autre lesbienne va penser à vous. Même si c’est « cliché », personnellement, ça m’a bien arrangée : c’est comme ça que j’ai rencontré une femme avec qui j’ai vécu une relation durant 3 ans. Je laisse le soin aux autres d’en rire, pour ma part, je dis : merci. Mais les réseaux ne se constituent pas seulement à travers les autres. Le réseau peut se construire sur une opportunité qui, à première vue, peut ne pas vous apporter grand-chose… mais quand on sait tirer parti de ce que nous offre la vie, cela peut devenir une chance incroyable.
Créez-vous un réseau d’opportunités
La plupart des choses dont je suis fière dans ma vie viennent des opportunités que j’ai saisies en me disant, simplement : « Et pourquoi pas après tout ». Non pas grâce à leur finalité, mais pour les opportunités qu’elles créent elles-mêmes, comme une gigantesque toile d’opportunités. Un exemple pour les rencontres LBQ. Dans mon travail, il arrive souvent qu’on nous propose de faire des formations. Une autre que moi pourrait se dire que, suivre ces formations est une contrainte de temps, qu’elle ne répond pas à un problème précis qu’elle se pose, qu’elle a d’autre chose à faire et qu’en plus, comme ce n’est pas obligatoire, il n’y a aucun intérêt de s’y forcer. Eh bien, si je pense bien sûr aux compétences que je peux acquérir, je pense aussi au réseau d’opportunités que je pourrais me construire. Dans les relations sociales, les opportunités que l’on vous propose sont TOUJOURS une nouvelle chance de faire des rencontres. Quel que soit le domaine, le contexte, que ce soit dans votre vie professionnelle ou personnelle, vous allez TOUJOURS y découvrir de nouvelles personnes. Je décide donc de suivre cette formation, et là-bas… je rencontre une femme qui ne me lâche pas des yeux. Une collègue, qui est venue avec moi, me le fait aussi remarquer. Je peux vous parier ce que vous voulez qu’elle soit attirée par moi. Or, si je n’avais jamais suivi cette formation, même anodine, qui d’ailleurs ne m’aura pas servi à grand-chose, je ne l’aurai jamais rencontrée. Et cette histoire, je ne l’invente pas : je l’ai réellement vécue, et pas qu’une fois. Lorsqu’une opportunité se présente à vous, surtout lorsque vous n’y auriez jamais pensé vous-même, tentez de vous dire : « Et pourquoi pas après tout ? Quel mal ça peut me faire ? ». Parce que si vous voulez faire des rencontres « IRL », vous devrez bel et bien changer votre manière de percevoir la rencontre. Vous devrez éviter, voire arrêter, de penser au profit, à la finalité (donc amoureuse). Vous devrez vous laisser porter par la vie. Ce qui m’amène à vous dire ceci : si aujourd’hui, il vous est impensable de proposer à un groupe sur Facebook de faire des rencontres alors que c’est ce que vous cherchez, si vous n’arrivez pas à envisager de faire des rencontres dans la vraie vie en saisissant cette opportunité, alors, je pense que le problème est plus profond.
Rencontre et réseau social : prenez soin de vos blocages
Si, malgré tous ces conseils, vous ne parvenez pas à vous lancer, il existe, peut-être, un blocage chez vous, dans le fait d’aller vers les autres. Je vous rassure, ce sont des choses que vous pouvez apprendre à maîtriser, ou à compenser. Il est dans ce cas très important que vous puissiez travailler sur vos blocages, votre timidité ou vos capacités sociales. Que ce soit à travers des ateliers, des coachings, ou bien encore des Thérapies Comportementales et Cognitives. Ce n’est pas honteux si, aujourd’hui, vous ne savez pas comment vous créer un réseau. Cela s’apprend. S’il existe énormément d’accompagnements autour de la prise de parole ou de la timidité, c’est que c’est quelque chose que beaucoup d’entre nous vivent. Vous ne devez donc pas avoir honte de ça. Ce qui pourrait être grave, c’est de vous enfermer dans l’isolement, faute de savoir comment faire, alors que des solutions existent… Je finirai cet article en vous partageant ce que m’a un jour dit une lectrice du blog, qui exprime parfaitement ce que je suis en train de vous écrire et qui, je l’espère, vous donnera envie de mener ces petites actions au quotidien : « La vie a plus d’imagination que nous ».
Par Stéphanie de Drague Queer
Retrouvez chaque mois, dans les pages de Jeanne Magazine, les précieux conseils de Stéphanie, la co-créatrice de Drague Queer, le blog qui aide les femmes LBQ en matière de rencontres amoureuses.
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