C’est historique ! Le parlement helvétique a approuvé hier le projet de loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels. Pour en savoir plus sur la genèse du texte, qui permettra aux homosexuels et lesbiennes de s’unir et à ces dernières d’avoir accès au don de sperme, nous avons rencontré Olga Baranova, la directrice de campagne «mariage civil pour toutes et tous» qui répond aux questions de Jeanne Magazine. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 81 de Jeanne Magazine.
Vous êtes la directrice de la campagne « mariage civil pour toutes et pour tous ». Quand et comment a-t-elle été lancée ? Quels sont vos objectifs et les actions que vous menez ? Le mariage civil pour toutes et tous est à l’ordre du jour du parlement suisse depuis 2013 (l’ouverture du mariage en France y est pour quelque chose !), mais la campagne a été lancée presque immédiatement après la votation sur un autre sujet LGBT très important : le 9 février 2020, les Suisses-esses ont accepté à raison de 63% l’interdiction de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Face à l’avancement de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe au parlement, six organisations ont créé le comité national « Mariage civil pour toutes et tous », héritant des structures de campagne du 9 février. Le 11 juin 2020, une première victoire historique : le Conseil national accepte le projet de loi (132 voix contre 52 et 13 abstentions). La droite conservatrice ayant déjà annoncé un référendum facultatif, nous avons commencé à préparer la campagne. En même temps, le Conseil des États a pris plus de temps que prévu pour traiter l’objet : ce n’est que le 1er décembre 2020 que cette chambre, réputée d’être bien plus conservatrice que le Conseil national, a donné son feu vert au projet. Après 7 ans d’attente, le mariage civil pour toutes et tous sera vraisemblablement adopté définitivement par le parlement le 18 décembre. Ensuite, les opposant-e-s auront 100 jours pour récolter 50’000 signatures pour provoquer la votation populaire et la campagne en tant que telle pourra commencer. Là, notre objectif est double : d’un côté, nous devons gagner la votation avec un excellent score (selon un sondage représentatif, 82% de la population est favorable à l’ouverture du mariage) et de l’autre côté, accroître la visibilité et l’acceptation des personnes LGBT en Suisse. Ce sont ces deux objectifs qui nous guident dans l’élaboration de la future campagne.
La Suisse a pris du retard par rapport à la plupart de l’Europe de l’Ouest en ce qui concerne les droits des personnes LGBT. Comment expliquez-vous que l’égalité face au mariage prenne autant de temps dans votre pays ? Les processus politiques en Suisse sont, en comparaison avec les pays voisins, particulièrement lents. En plus, le pays est relativement conservateur, bien que cela soit en train de changer. En matière des droits LGBT, ce changement vers plus d’ouverture se fait même à une vitesse qui surprend les Suisses-esses elles et eux-mêmes : entre la première pride en Valais (canton alpin très catholique) qui a dû faire face à une opposition féroce, l’adoption du partenariat enregistré en 2004 (réservé aux couples de même sexe) et le « oui » des chambres fédérales au mariage civil pour toutes et tous en 2020, c’est une évolution très rapide pour la Suisse. L’engagement infatigable et la plupart du temps bénévole de la communauté LGBT a porté ses fruits.
Comment avez-vous accueilli cette avancée historique ? C’est un énorme soulagement, une joie, aussi. Ce qui me touche le plus, c’est de voir des personnes en couple depuis dix, vingt, trente ans se réjouir d’accéder enfin à l’égalité. De voir des jeunes de vingt ans espérer être reconnu-e-s et accepté-e-s pleinement. De savoir que enfants des familles arc-en-ciel bénéficieront de protection légale. C’est ce qui me motive tous les jours.
Contrairement à la France lorsqu’elle a légalisé la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, en Suisse, le projet de loi a été adoptée dans sa version la plus extensive : celle qui inclut le don de sperme pour les couples lesbiens. Avez-vous été surprise de cette victoire ? Comment qualifierez-vous le soutien politique face à ce projet de loi ? Cette décision est empreinte de sagesse et constitue une victoire très importante. J’ai lu avec un immense plaisir le livre d’Erwann Binet et Charlotte Rotman La bataille du mariage pour tous sur l’ouverture du mariage en France. Les Belges qui ont ouvert le mariage en 2003 y donnent un conseil à Binet, alors rapporteur du mariage pour tous : « Il faut tout faire d’un coup : mariage, adoption, PMA. » Le mariage civil pour toutes et tous, c’est avant tout une question d’égalité. La PMA fait partie des outils auxquels les couples hétérosexuels peuvent recourir aujourd’hui, il n’y a donc pas de raisons d’en priver les couples de femmes.(…)
En 2013 en France, nous avons eu à affronter les antis-mariage / PMA avec notamment la « manif pour tous ». Quels sont les opposants à l’égalité en Suisse et craignez-vous leurs excès ? Sans surprise, les milieux conservateurs et ultrareligieux. Nous connaissons déjà par cœur leurs arguments. Bien que le ton dans les débats politiques en Suisse se soit durci ces dernières années, nous ne pensons pas que l’ouverture du mariage provoquera les mêmes dérives qu’en France, mais nous resterons extrêmement vigilants.
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www.mariage-oui.ch | Photos © Stephenie Vee
Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #81 de Jeanne Magazine.
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