Pour célébrer ses vingt-cinq ans de carrière, Anna Margarita Albelo, alias La Chocha, a concocté une compilation de ses œuvres qui sera diffusée lors de la 32è édition du festival Cineffable. La réalisatrice et productrice, qui a tant œuvré pour le visibilité et la représentation lesbienne, répond aux questions de Jeanne Magazine. Extrait de l’interview publiée dans le numéro 79 de Jeanne Magazine.
À l’occasion de sa 32è édition, Cineffable vous consacre une rétrospective le 31 octobre au Reflet Médicis, avec notamment les projections de certains de vos court-métrages et de vos documentaires Broute-minou à Palm Springs et Hooters!. Comment avez-vous accueilli la nouvelle et pouvez-vous nous présenter les œuvres qui seront projetées ? C’est un grand honneur pour moi que de voir Cineffable programmer deux séances couvrant 25 ans de travail. La première est une sélection de court-métrages allant de 1995 à 2006. Il comprend le premier, Drag Kings in Paris (1996), My memoir of DJ Sextoy (2003), la DJ lesbienne iconique, des scènes de La Dinde (2008) avec la chanteuse Sheila, et aussi mes parodies de Bjork, Marguerite Duras, et des interviews avec Peaches qui sont pour moi de véritables icônes lesbiennes. Seront également projetés les court-métrages en intégralité de Fausses Pubs, réalisés dans le cadre de la gamme de produits parodiques imaginés par Dana Wyse, Jesus Had a Sister Productions (1996-2003). Au programme également, les documentaires que j’ai réalisé pour Canal+, Broute Minou à Palm Springs (2005) sur le Dinah Shore Weekend, et Lesbiennes à Cuba (2009), et pour terminer, la projection de Vagina is the Warmest color (2015), une parodie de La Vie d’Adèle avec Océan.(…)
En 2014, vous avez sorti votre premier long-métrage Qui a peur de Vagina Wolf?, qui explore des thèmes universels et aussi bien sûr la vie des lesbiennes. Pourquoi selon vous les lesbiennes ont-elles encore besoin aujourd’hui de visibilité et de représentation ? Absolument ! Aussi bien les lesbiennes que les féministes auront toujours besoin de visibilité et de représentation. Depuis ces 30 dernières années, où je suis out, je ne cesse d’entendre « Ok, c’est bon, aujourd’hui nous voyons des lesbiennes à la télé, dans les films ou simplement plus de célébrités faire leur coming out », mais c’est loin d’être suffisant ! La société et les politiques qui nous gouvernent veulent nous faire rentrer dans un moule, pour que nous soyons tous identiques afin d’être plus facilement manipulables, mais les personnes qui sont à la marge sont souvent des femmes, et particulièrement des femmes non-blanches et lesbiennes. (…)
Quels sont les films lesbiens qui vous ont particulièrement touchée ces dernières années ? Portrait d’une jeune fille en feu a eu un gros impact à la fois sur les lesbiennes et sur le business du cinéma. Réalisé par Céline Sciamma, qui est ouvertement lesbienne et qui parle avec authenticité de l’identité lesbienne et du désir amoureux dans ses films. Elle a fermement établit l’importance du « female gaze » au cinéma. En tant que lesbiennes, nous sommes des femmes et nous avons été largement exclues des métiers du cinéma qu’il s’agisse d’être devant ou derrière la caméra. Nous devons encore prouver, et Céline Sciamma l’a fait à de nombreuses reprises, que les films mettant en scène des personnages lesbiens et / ou abordant des questions de genre peuvent être à la fois essentiels et des succès financiers. Son travail est une preuve vivante pour les financiers et le public que des histoires lesbiennes sur grand écran peuvent être un succès du box office et faire du bien à la société en ajoutant une pierre à la représentation lesbienne auprès du grand public. (…)
Depuis 8 ans, vous produisez des films réalisés par des femmes, notamment Wild Night with Emily, sorti en 2018. Pourquoi avoir choisi de produire ce film en particulier et en quoi était-ce important pour vous de vous investir à ce point ? J’ai appris à produire des films indépendants en produisant mon tout premier film Qui a peur de Virginia Wolf? En 2012. Il y a tellement de personnes qui m’ont aidée à faire ce film – plus de 400 personnes à remercier dans le générique de fin – qu’après cette expérience, j’ai souhaité, à mon tour, utiliser mes connaissances et ma gratitude pour aider d’autres femmes à en faire de même, surtout que nous devons nous débrouiller par nous-mêmes en étant hors du circuit officiel. Il me semblait important que Wild Night with Emily voit le jour grâce au travail effectué par la directrice des recherches Madeleine Olnek qui a pu prouver qu’Emily Dickinson était lesbienne et une poète prolifique qui souhaitait connaître le succès à une époque qui ne lui permettait pas de réussir. (…)
Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #79 de Jeanne Magazine.
En cette année particulière, l’équipe de Cineffable vous donne rendez-vous du 23 au 1er novembre, dans 6 lieux différents et sur le net pour la 32e édition du Festival International du Film Lesbien et Féministe de Paris. Tout le programme est à découvrir sur le site du festival.
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