À Paris, les lieux LGBTQI+ tournent souvent autour d’un même thème : la fête. Laureline Levy a choisi de penser à celles et ceux qui ne se reconnaissaient pas dans ces lieux en créant La Constellation, un tiers-lieu culturel ouvert en journée, sans vente d’alcool, plus calme et plus propice à l’écoute et l’échange. D’abord prévue pour le mois de mai, l’ouverture du lieu – situé dans le 2ème arrondissement de la capitale – a été repoussée au 18 juillet. En attendant, la programmation se peaufine et La Constellation s’annonce déjà comme une réelle alternative aux bars. Une alternative qui manquait cruellement jusque-là. Pour évoquer ce manque et le futur des lieux LGBTQ+, nous avons rencontré Laureline Levy qui nous en dit plus sur son projet. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 76 de Jeanne Magazine
Est-ce que tu peux nous raconter comment tu as eu l’idée de créer La Constellation ? L’idée est venue du constat assez simple qu’il n’y avait pas à Paris des lieux queer dans lesquels j’avais vraiment envie d’aller. Je suis une late bloomeuse, je me suis mise à rencontrer des femmes qu’après 30 ans donc j’étais moins dans l’ambiance bar mais plutôt terrasse ou café cozy. Quand j’ai eu une opportunité de changer de carrière, je me suis dit que j’allais ouvrir ce lieu qui n’existait pas. Ensuite, j’ai compris à quel point c’était important.
Pourquoi était-ce important pour toi de proposer ce genre de lieu pour la communauté LGBTQI+ ? Ce qui a fait que c’est devenu une idée concrète c’est vraiment d’en parler avec plein de gens différentEs, de collectifs, d’associations, et de me rendre compte du manque d’un lieu comme celui-ci à Paris. Un lieu ouvert en journée, sans alcool, sans musique forte, où l’on peut se poser au calme et en sécurité entre personnes queer, manger un bon petit plat végé, siroter sa tisane, lire un livre. Un lieu qui s’efforcera de faire savoir aux seniors LGBTQI+, souvent isolé.es, qu’iels sont les bienvenu.es ici, ainsi que les mineurs. Un lieu qui dès sa conception organise son espace afin que les associations puissent venir y tenir des réunions. Un lieu où les personnes queer qui n’aiment pas ou ne peuvent pas « faire la fête » peuvent tout de même trouver une communauté, un espace de convivialité.
À quoi peut-on s’attendre au niveau de la programmation artistique ? Est-ce qu’il y a des artistes en particulier avec lesquel.les tu aimerais collaborer ? Avec Maëva, qui travaille sur la partie programmation, on aimerait vraiment avoir des artistes, mais aussi des organisateur.ices et des militant.es qui ont peu la parole. Le confinement a révélé plein de monde au grand public dans des lives Instagram, c’est un peu vers ça qu’on veut aller. Le mot d’ordre sera diversité. On veut mixer pour être inattendu.e.
Penses-tu qu’il faut un renouveau des lieux LGBTQI+ à Paris ? Vaste question et je ne sais pas à quel point je suis bien placée pour répondre comme je ne fréquente les lieux LGBTQI+ de Paris que depuis peu de temps. Ce que je peux dire c’est que ce sont les lieux gay qui sont les plus visibles, et la majorité des lieux gay fonctionnent en vase clos. Et ce comme énormément de lieux de communauté et c’est OK. En tant que femme cis grosse, je ne suis pas la cible et je ne l’ai jamais été. Par contre, la communauté a évolué et est visiblement hétérogène. Ce qui est bien parce que ça veut dire que plus de personnes peuvent sortir du placard comme ils et elles sont vraiment, mais ça veut aussi dire qu’il faut une diversité de lieux qui reflèterait la diversité des personnes LGBTQI+ de Paris. Il ne peut pas y avoir trop de lieux. Les lieux LGBTQI+ sont des refuges, plus il y en a, meilleur sera notre quotidien. Il faut donc surtout plein de sortes de lieux, des bars, des clubs, des librairies mais aussi des cafés, des restaurants, des squats, des galeries, des boutiques…
La Constellation remet au centre l’importance de la communauté et des identités LGBTQI+. Est-ce que c’est aussi une manière d’affirmer politiquement ces identités ? En 2020 en France, nos identités sont politiques : notre humanité est remise en cause par des gens que nous n’avons pas élus et qui ne connaissent pas nos vécus. Nos identités sont médicalisées, effacées, niées. Dans ce contexte, il est difficile de mettre un petit mouchoir sur tout cela. Nous sommes pour les communautés et le communautarisme ; lorsque qu’on fait partie d’une minorité discriminée, ce n’est que si on se sait écouté et que l’on a un endroit où se ressourcer et se soigner que l’on peut ensuite exister dans le monde.
Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #76 de Jeanne Magazine.
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