En Tunisie, les relations sexuelles entre adultes du même sexe sont un délit, l’article 230 du code pénal punissant jusqu’à trois ans de prison « l’homosexualité féminine et masculine ». Pour Jeanne Magazine, la journaliste franco-tunisienne Sana Sbouai présente le web-documentaire Nos Mensonges, pour lequel elle a recueilli les témoignages d’homosexuel.le.s contraint.e.s de dissimuler leur vie privée par peur des représailles. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Je suis journaliste indépendante et je travaille également comme experte dans des projets de soutien aux médias dans le monde arabe. Depuis 2011 je travaille en France et en Tunisie.
Il y a un peu plus de 2 ans, vous avez créé le projet « Nos Mensonges ». Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette initiative ? J’avais envie de parler de l’amour, des tabous qui l’entourent, mais aussi des arrangements que les gens font en Tunisie autour de l’homosexualité. Le titre « Nos mensonges » renvoie au fait que tout le monde s’arrange avec la réalité, pour arrondir les angles finalement. Il y a celles et ceux qui fabriquent une réalité différente et celles et ceux qui acceptent cette narration, afin que tout le monde vive tranquillement.
Vous avez choisi d’axer ce projet autour de récits et de témoignages réalisés par des Tunisien.ne.s dans lesquels ils abordent les mensonges qu’ils ont dû raconter pour taire leur orientation sexuelle et/ou identité de genre. Pourquoi avez-vous choisi d’aborder ce sujet autour de cet angle du mensonge ? Le mensonge n’est pas vu ici comme quelque chose de négatif. Il n’y a pas de jugement sur le fait que ce soit bien ou mal. C’est juste un subterfuge, un moyen de vivre en paix. Il peut être lourd pour les personnes qui le portent, il peut être drôle et léger aussi. Il y a aussi cette idée qu’il est partagé, quand les gens décident de fermer les yeux pour ne pas regarder en face un amour qui serait perçu comme différent. (…)
Nosmensonges.com est conçu à l’image d’un journal intime, et chaque témoignage est accompagné de belles illustrations et d’une lecture audio en arabe. En quoi le côté intime du projet était-il important ? On est dans le registre de la confidence, mais il n’y a rien de voyeuriste et il n’y a pas de misérabilisme. Je voulais que l’interface permette aux internautes de venir à la rencontre des gens qui témoignent, un peu comme si on recueillait une confidence d’un ami.
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