Défenseure des droits humains, pour la section française des Brigades de Paix Internationales (PBI  France), Esdra Yaveth Sosa Sierra est largement reconnue pour son activisme social pour la défense des droits LGBT+ au Honduras, où elle a reçu de nombreuses menaces pour la dissuader de continuer son travail de promotion et de protection des droits de la diversité sexuelle. Membre du bureau de l’association Arcoiris, Esdra y coordonne le groupe de femmes lesbiennes et bisexuelles Litos. De passage à Paris le 14 novembre dernier, pour une soirée organisée à la Mutinerie par PBI, Esdra a témoigné de la situation des personnes LBTQI+ et exposé un état des lieux de la lutte au Honduras. Pour Jeanne, le collectif Les Bavardes l’a rencontrée. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de décembre de Jeanne Magazine.
 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Je suis défenseure des droits hondurienne pour l’association Arcoiris. Au départ, j’animais des ateliers de prévention sur le VIH et plus largement pour la promotion des droits humains. Je coordonne aujourd’hui l’unité juridique de l’association, pour lutter contre la violation des droits humains, dont les droits des personnes LGBTQI+. J’anime de nombreuses formations et ateliers et je fais de la prévention contre les crimes haineux. Je prends souvent des risques pour militer.

Comment se passe la lutte au Honduras ? Les personnes qui tentent de défendre les personnes LGBTQI+ prennent de nombreux risques. Elles sont victimes de menaces, d’attaques voire d’assassinat. Les téléphones et les communications sont surveillés et on subit des répressions violentes. Les personnes qui manifestent sont considérées et traitées comme des terroristes, accusées de détruire le pays. Les droits peuvent reculer à tout moment, le fondamentalisme religieux est très présent, un des plus puissants d’Amérique Latine, et le contexte sociopolitique est difficile car le gouvernement est militarisé et viole la Constitution et les lois. Au Honduras, il n’existe aucune loi qui punit les crimes ou délits envers les personnes LGBTQI+. Il n’y a d’ailleurs aucun politique qui parle de la violation des droits. Le gouvernement est totalement indifférent, très peu d’enquêtes sont réalisées sur ces crimes. A travers les grands médias, le gouvernement parvient à atteindre des milliers de familles, pour faire la promotion des attaques et de la haine. Le gouvernement peut dire aux familles qui ont des enfants LGBT, que ces derniers doivent partir, quitter le pays car ils sont contre la morale. On fait également face à une instrumentalisation de l’école par le fondamentalisme religieux. A l’école, aucune mention n’est faite des personnes. En Colombie par exemple, à Bogota, c’est une femme lesbienne qui a été élue maire, en soi c’est une bonne nouvelle et le signe d’une certaine avancée dans le pays, mais après l’élection de Claudia Lopez, les médias sont venus me demander un avis, ils voulaient détourner mes propos et nous attaquer. Ce contexte politique, religieux et médiatique rend la lutte extrêmement difficile. (…)

Quels sont vos moyens de pressions et d’actions ? Bon, tout d’abord, on ne peut pas vraiment faire confiance à l’Etat, parce que dénoncer les agressions, c’est dénoncer les principaux agresseurs : la police. Si on dénonce la police à la police, il y a des risques de représailles et de refus du dépôt de plainte, auquel s’ajoutent la honte et la peur. (…)

Pourquoi vous ne quittez pas le Honduras ? Parce que je ne souhaite pas arrêter de défendre les droits, la lutte est importante. On se bat pour défendre les droits des autres, mais on se bat aussi pour nos propres droits. Si on ne le fait pas, personne ne le fera. Par ailleurs, la police tient un registre LGBTQI, et si on souhaite partir on prend de gros risques. Et puis, il faut des preuves pour dire qu’on est victime de violences, au vu du contexte on peut à peine se témoigner des marques d’affection dans l’espace public… Par contre, il nous arrive de fuir le pays pour quelques mois, afin de faire baisser les menaces, d’arrêter l’activisme ou de faire une pause, ou encore migrer trois mois dans un pays voisin pour faire baisser son profil public avant de retourner au Honduras pour poursuivre la lutte. (…) Malgré les menaces, j’aime ma famille et ma copine. Même si un jour je suis assassinée au Honduras, je veux servir d’exemple pour toute la communauté LGBT. (…)

(…)

Merci aux Bavardes pour cette rencontre. Vous pouvez soutenir Esdra en vous procurant l’affiche de la militante créée par le collectif Les Bavardes.

Retrouvez la totalité de la rencontre dans le numéro 70 de Jeanne Magazine.

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