La fille du troisième est le 11è roman de Danièle Saint Bois publié par Julliard. Un an et demi après la publication de son autobiographie Trois amours de ma jeunesse, la romancière est de retour avec une enquête menée par une lieutenante lesbienne qui nous entraîne sur les traces d’un tueur en série. Une intrigue policière savamment ficelée, mêlée à une autre intrigue, amoureuse cette fois, entre Swany, l’héroïne et Yaël, la fille du troisième. Un double univers qui permet à l’autrice d’aborder de nombreux thèmes comme le coming out, l’homoparentalité et la violence dans les couples lesbiens. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de novembre de Jeanne Magazine.
Moins de deux ans après la sortie de Trois amours de ma jeunesse, comment vous est venue l’idée de ce nouveau roman et pourquoi renouer avec le genre policier ? Ce livre n’a jamais été une idée notée quelque part dans un carnet comme par exemple Villa Bianca dont le point de départ était la fascination exercée par deux adolescents, un frère et une sœur, sur une petite fille pauvre, qui désirait plus que tout « faire partie d’eux », ou L’âme des soleils noirs, encore une histoire de frère et sœur qui puise ses racines dans un tragique événement survenu durant leur enfance. Ces histoires étaient en moi depuis toujours. La fille du troisième n’est pas un livre prémédité. Je venais de passer plusieurs mois sur un projet qui me tenait à cœur, très éloigné de mon univers mais aussi très proche de mes préoccupations humaines, une espèce d’objet non identifiable sur la guerre en Syrie. Tout en sachant que ce travail avait peu de chances d’obtenir l’aval de mon éditrice et consciente que le livre ne viendrait pas allonger la liste de mes œuvres, je suis tout de même allée tranquillement au bout. Une fois fait, dans un état d’urgence inexplicable, j’ai commencé à taper les premières pages de La fille du troisième. Je ne sais pas d’où c’est venu, c’était comme un cadeau tombé du ciel, bien emballé, je ne savais pas ce que j’allais trouver dedans, j’ai arraché l’emballage, j’ai ouvert et je me suis dépêchée d’utiliser tout ce qui se présentait. En deux mois, le premier jet d’une histoire surgie de nulle part mais sans doute représentative de mon état psychique du moment, lié à la conscience déchirante que certaines choses seraient à jamais absentes de ma vie, était prêt pour le vrai travail de réécriture.
Comment avez-vous créé vos personnages et comment avez-vous tissé l’intrigue policière ? Dès les premières lignes j’ai décidé que le personnage principal du roman, Swany, serait dans la police. C’est une idée qui s’est imposée et je n’ai rien fait pour la combattre. Du coup, qui dit police dit crimes, enquête, « roman policier » comment y échapper ? C’était possible en situant le roman dans un autre contexte certainement, mais il me plaisait que mon personnage soit dans la police et bien entendu à l’opposé de l’interchangeable héroïne des séries télévisées, qui poursuit les voyous en jeans moulants et talons hauts. Cassante ou faussement rigolote, l’inspectrice ou gendarme section de recherches des téléfilms à la française, traîne un passé qu’elle cherche à oublier, divorcée ou séparée elle doit aussi composer avec une fille adolescente qui la déteste et qui préférerait vivre avec son père etc. Me voilà donc embarquée dans l’univers policier, je voulais que ce soit à la fois moderne et désuet. Swany est confrontée à des crimes effroyables, et à l’imbroglio de sa vie sentimentale. Il fallait conjuguer ensemble les deux formes de suspense, celle de l’enquête et celle de l’histoire d’amour. J’ai un peu renâclé pour l’enquête car il s’est très vite avéré que l’important pour moi n’était pas le versant polar du roman mais le coup de foudre entre Swany et Yaël, la fille du troisième, une histoire d’amour fou où, pourtant, tout est dit, consommé, consumé dès la première étreinte mais aussi « inépuisé ». La narration à la première personne m’a parue évidente et d’ailleurs je n’y ai pas réfléchi un seul instant. Je n’ai pas hésité. C’était ça. On découvre tous les personnages, par le récit que fait Swany, entre langage parlé, argot populaire et ce lyrisme échevelé dans l’expression des scènes d’amour, des désirs et de la passion. Complexe et incohérente parfois, Swany est d’une sensibilité à fleur de peau, tourmentée, boulimique d’amour et de sexe qui devient un exutoire devant la noirceur du monde. En fait c’est un être silencieux et secret, tout est enclos dans son silence, qui elle est, d’où elle vient, ce qu’elle veut, ses doutes. Tout est vu et vécu à travers elle. De ses mères nous ne pouvons savoir que ce qu’elle en révèle. Elles sont artistes, elles s’aiment, elles adorent leur fille. Elles sont un peu des pionnières de la PMA ! Puisque Swany a 26 ans. Le personnage de Louise est la face sombre de l’amour, le côté obscur de Swany. Bella est un peu la personnification de la bonté universelle, celle sans qui le monde ou tout au moins le microcosme de l’immeuble serait moins vivable. Luther, de son vrai nom Gabriel, qui est le seul homme de l’histoire, est le témoin, amusé dans un premier temps, de ce qui se joue autour de lui. Il est l’observateur lucide qui comprend tout sans juger, qui protège sans rien attendre en retour. Il est l’homme que Swany aurait pu aimer si elle n’aimait pas les femmes ! (…)
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La fille du troisième, un roman de Danièle Saint-Bois (Julliard)
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