A l’heure où l’examen du texte sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes va se poursuivre au Sénat, que fait-on lorsqu’on est lesbienne, française et que l’on veut un enfant ? On traverse la frontière pour faire une PMA chez nos voisins belges. Récit d’un voyage « procréatif ». Par Ash Pop. Extrait du témoignage publié dans le numéro d’octobre de Jeanne Magazine.
« Oui bonjour, j’appelle pour prendre rendez-vous pour une insémination… Oui, avec donneur. » Nous sommes le 7 novembre 2016, c’est mon 33è anniversaire et nous venons de poser la première pierre de notre projet bébé. Enfin, la première pierre… Pas exactement. Parce que je voulais un enfant, parce que je voulais vraiment un enfant et que je n’étais pas la meilleure candidate à la maternité (30 ans passée, lesbienne, pas vraiment riche…) je me suis bien gardée d’exprimer mon désir à trop haute voix. Quand le sujet arrivait sur le tapis, avec mes amis « hétéro », je restais prudente, évasive : « C’est compliqué, on verra. » Invariablement, on me répondait : « Mais maintenant c’est facile y a qu’à aller en Belgique ou en Espagne. » Facile ? Oui c’est facile si vous avez de l’argent, c’est facile si vous êtes prête à mentir comme un arracheur de dent, c’est facile si aucun problème de stérilité ne vient contrarier vos plans. La toute première étape n’était pas administrative, elle était psychologique. Il a fallu sauter le pas, accepter de prendre le risque de perdre cette éventualité que je gardais par devers moi, celle qu’un jour, si je le souhaitais, je pourrais devenir mère. Mais si j’essaye et que je n’y arrive pas ? Jamais ? Qu’est-ce qu’il me reste ? Et que vivra mon enfant dans un monde où certains lui seront résolument hostiles ? Et si l’Europe bascule à nouveau dans le fascisme ? Passé les états d’âme, il restait à trouver comment ? Dans notre couple, l’administratif c’est moi. Et puis ce bébé je le voulais plus qu’elle, alors j’ai passé quelques soirées à écumer le web et une adhésion à l’APGL plus tard j’étais en possession d’une liste de cliniques et hôpitaux belges pratiquant la PMA pour les couples de lesbiennes y compris étrangères. J’avais un peu l’impression d’être en possession de documents top secret qu’on se repassait sous le manteau. Je les ai appelés, une par une : pour réactualiser les infos, prendre la température, demander le prix, les délais, s’ils imposaient un traitement hormonal ou non. A la fin restait en lice Bruxelles et Bruges. C’est le charme de la petite Venise du Nord qui l’emporta, un bel endroit pour fabriquer notre bout de chou. Ils sont flamands ? Bof, qu’à cela ne tienne tout le monde parle français en Belgique, non ? Autant pour notre nombrilisme et ignorance ce n’était pas le cas et la barrière de la langue a parfois compliqué nos échanges même si nos interlocuteurs, quand ils parlaient français, le faisaient avec bien plus de talent que je ne parle anglais. Mais essayez donc d’épeler une adresse mail dans une autre langue que votre langue maternelle…
Des surprises, cette aventure nous en réserva quelques-unes, souvent bonnes : les délais d’abord. Premier rendez-vous le 23 décembre soit moins de 2 mois après notre appel, là où nous nous attendions à patienter la moitié d’une année comme notre système de santé nous y a habitué. Surprise dans la confiance qui vous est accordée. Ici pas de certificat prouvant notre lien. J’aurais pu venir avec une inconnue rencontrée le matin même. Surprise encore par des locaux flambant neufs aux portes qui s’ouvrent toutes seules là où chez nous la peinture s’écaille donnant un sentiment d’abandon alarmant. Ce matin du 23 décembre 2016, toutes barrières ayant cédées, c’est à la fois excitées, impatientes et effrayées que nous avons poussé les portes de l’hôpital « Sint-Jan ». Que devions-nous dire ? Que devions-nous cacher ? Ma légère anomalie génétique ? Mon IVG ? Finalement après maints débats et avis donnés par nos amis nous avons opté pour la vérité. Grand bien nous en a pris puisqu’à peine 2 mois plus tard notre dossier fut accepté sans aucun souci. En dehors d’un rendez-vous avec le médecin, le parcours PMA belge comme le français comprend un rendez-vous avec un psy. Là encore j’avais imaginé l’inquisition. Qu’allait-il passé au crible ? Nous, nos proches, notre désir, notre stabilité, qu’elles étaient les bonnes réponses ? Finalement l’interrogatoire sera nettement moins poussé que celui auquel je me soumettrai 2 ans et demi plus tard pour donner mes ovocytes. L’homme qui nous fait face semble surtout blasé. Ses gestes et sa manière de parler semblent nous dire : mes chéries. Si vous saviez comme il y a d’autres urgences, d’autres souffrances. « Vous allez bien ? Et le travail ça va comment ? Merci. Au revoir. » Un point sensible : notre pays ne serait-il pas un pays d’arriérés ? Sur ce coup-là, je laisse ma compagne pleine d’enthousiasme et d’optimisme répondre car en ce qui me concerne, il n’y a qu’une seule réponse qui m’effleure les lèvres : Oh OUI ! Du côté médical, même sobriété. On nous explique la procédure et surtout on parle finance : 1500€ pour faire venir 6 tubes à essai (paillettes) d’une banque du sperme international basée au Danemark : « ici on ne fait pas d’argent avec la procréation vous payez ce que ça nous coûte. » 6 paillettes dans lesquelles nous plaçons tous nos espoirs car il n’y en aura pas d’autres trop onéreux. (…)
Lire la suite du témoignage d’Ash Pop dans le numéro d’octobre de Jeanne Magazine. | Photo d’illustration
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