Face à l’isolement social des personnes âgées et des discriminations liées à l’âge et à l’homophobie, Stéphane Sauvé a fondé en 2017 la start-up Rainbold Society et l’association Les Audacieuces et Les Audacieux. Deux structures centrées sur la qualité de vie et l’inclusion sociale des seniors LGBT. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine.
En 2017 vous avez fondé les bases de Rainbold Society et une association, Les Audacieuses et les Audacieux. Pouvez-vous revenir sur les motivations et les objectifs de ce projet ? Le projet de Maison de la Diversité pour seniors LGBT autonomes ou faiblement dépendants que je porte à travers Rainbold Society est un concept de résidences services pour seniors qui s’articule autour de 5 fondamentaux : Un habitat collectif d’une trentaine de logements proposés à la location, au sein duquel les résidentes et résidents seront acteurs de leur modèle de vie. La dimension participative est essentielle dans le concept Rainbold Society. Une dimension santé, via par exemple des services de télémédecine ou des services de soins à la personne par le biais de cabinets infirmiers libéraux. Un collectif qui mixera les générations, puisque la Maison sera ouverte aussi aux non-retraités, elle accueillera également quelques étudiants. Une palette d’activités et de services, pour entretenir le lien social et la qualité de vie, proposés aux résidents ainsi qu’aux associations et seniors du quartier ; la dimension inclusive est aussi une de nos caractéristiques. Hétéro-friendly enfin, puisque la Maison sera ouverte à toutes et à tous, quelle que soit son orientation sexuelle et / ou son identité de genre. La mixité, c’est une volonté revendiquée des Audacieuses et des Audacieux. Très simplement, le projet Rainbold Society c’est la possibilité de bien vieillir chez soi, mais pas tout seul !
Quelles sont les activités que vous proposez aux membres de votre association ? L’Association « les Audacieux » regroupe un collectif de seniors LGBT hétéro-friendly, mais surtout de seniors qui ont envie que l’on leur parle d’avenir… L’Association née fin 2017 propose mensuellement plusieurs types d’activités, et à une double mission : Créer / recréer du lien social. C’est ainsi que nos diverses activités s’organisent autour de rencontres et d’échanges. Faire participer notre base d’adhérents au projet Maison de la Diversité. Les seniors co-construisent avec nous le projet, ils donnent leur avis, ils partagent des idées, ils évaluent les propositions (…)
Quelles sont, selon vous, les différences notables à prendre en compte entre une personne âgée LGBT et une personne âgée hétéro ? Un senior LGBT est d’abord un senior, il a les mêmes préoccupations et les mêmes besoins que tous les seniors, sachant que « de la qualité de vie du senior dépendra sa qualité de vieillissement », il a besoin de se sentir utile (les seniors sont très actifs dans le milieu associatif), besoin de lien social donc. Et les seniors ont aussi une volonté forte de demeurer autonomes le plus longtemps possible. Mais un senior LGBT a aussi des besoins spécifiques. Les seniors LGBT d’aujourd’hui ont connu pour la plupart la pénalisation de l’homosexualité, ils ont souvent vécu « dans le placard » en ne révélant pas leur identité, en s’inventant une double vie souvent. Ils ont un besoin fort de sécurité, peuvent être victimes de discriminations, ils souffrent aussi d’isolement social et / ou affectif renforcés… Tous ces facteurs jouent négativement sur leur santé psychique. Cette dernière ayant un impact indéniable sur le maintien de l’autonomie. On le sait, le lien social c’est l’antidote à la perte d’autonomie. Et malheureusement, à partir d’un certain âge, les seniors LGBT sont invisibles…
En Suisse, une enquête menée sur les personnes LGBT âgées a révélé que cette population est bien plus touchée par la solitude, l’exclusion et la discrimination que les personnes âgées hétéro. Pensez-vous qu’il en est de même ici en France ? Bien évidemment, en France et ailleurs, le constat est identique, même si nous ne disposons pas de statistiques genrées. La France est atteinte de thanatophobie et le milieu gay prône particulièrement le « jeunisme ». Donc oui, les seniors LGBT sont plus isolés, parce que exclus des groupes et/ou discriminés. Vous êtes un senior LGBT, vous n’avez dans une forte majorité des cas pas de descendance (9 seniors LGBT sur 10 n’ont pas d’enfants) et de fait, personne pour vous aider quand le moment viendra. Ajoutez à cela que vous pouvez aussi être atteint d’une pathologie type VIH qui nécessite un traitement au long cours…. Autant de facteurs aggravants qui peuvent expliquer pourquoi ils sont fortement touchés par la solitude.
Quelles sont, en particulier, les attentes des lesbiennes senior qui sont venues vers vous à ce jour ? Pour la population lesbienne senior, la dimension sexiste peut aussi être une forme supplémentaire de discrimination, en complément des points évoqués plus haut (âgisme et homophobie). Ainsi les Audacieuses membres de l’Association sont très attentives au sujet et nous aident à mieux comprendre leur vécu et leurs attentes. Mais globalement, et c’est un enseignement très positif de ce collectif mixte (qui regroupe des femmes et des hommes donc), il y a surtout une volonté constructive de participer ensemble à une belle aventure commune.
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Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !