Déborah Fabré est journaliste et réalisatrice radio. Dans Maman est gouine, un documentaire radiophonique, elle donne la parole aux enfants qui vivent au sein de familles homoparentales, le tout sans tabou ni mots d’adulte, comme une porte ouverte sur leur quotidien. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.

Vous êtes à l’origine du documentaire radiophonique Maman est gouine qui aborde l’homoparentalité du point de vue des enfants vivant au sein de familles homoparentales. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette idée ? Au départ, il y a Iñaki, mon fils, qui devait avoir neuf ou dix ans à l’époque. Il était en tout cas en quatrième primaire, l’équivalent en France au CM1. En classe, il a dit que sa maman avait une amoureuse. Les autres enfants ont réagi, en lui posant  beaucoup de questions et mon fils s’est alors rendu compte qu’il était probablement le seul dans sa classe, et pensait même qu’il était le seul dans son école à avoir une maman homosexuelle. Dans un premier temps, il répondait aux questions. Ensuite, il ne répondait plus, il se taisait parce que ça lui tapait sur le système à force. Il se sentait seul dans cette situation. Il avait besoin, à l’époque, de rencontrer d’autres enfants qui vivaient des situations similaires. Je lui ai proposé de rencontrer d’autres enfants pour lui montrer que franchement, il n’était vraiment pas, mais vraiment pas le seul. Peut-être que dans son école il était le seul… et encore, je pense que dans certaines écoles, souvent les plus catholiques, ça reste caché, les enfants n’en parlent pas. Bref, je me disais qu’on pourrait chercher des assos de familles homoparentales… et puis, d’une idée à l’autre… l’idée d’un documentaire radio s’est imposé. Mon fils a trouvé que c’était une super bonne idée, d’autant plus que selon lui, le documentaire pourrait aider des enfants qui vivent ce que lui vit.

Pourquoi avoir choisi le format du documentaire radiophonique et non vidéo ? C’est le média par lequel je m’exprime le mieux je pense. La radio permet d’entendre, sans voir. De là, se crée une réelle intimité mais aussi une panoplie de possibles. On ne voit pas, on ne peut qu’imaginer… c’est puissant comme procédé. Je trouve aussi que les voix sont magiques, les voix, mais aussi les mots. Ensuite, il faut être clair, les gens sont plus réticents quand il s’agit de vidéo… l’anonymat n’existe pas vraiment. Avec la radio, il n’y a que la voix, un certain anonymat persiste, ce qui libère à mon avis la parole. On rentre dans le domaine plus de l’intime, le micro se fait vite oublier. Là-dessus d’ailleurs, je tiens à souligner le travail fabuleux de mon ingénieur du son qui parvient à faire oublier la présence du micro lors des entretiens.

Comment votre fils s’est-il préparé aux rencontres et souhaitait-il aborder des points bien précis avec ces enfants ? Lors d’une activité de l’association Homoparentalité asbl, avec Gregor, mon ingénieur du son, on a enregistré les interactions, les discussions entre les enfants. Et force est de constater que les enfants de familles homoparentales, et bien, ne parlent pas entre eux de leurs familles… Logique évidemment… Du coup, il a fallu trouver un procédé qui permettrait d’entrer en contact, de créer la rencontre entre les enfants. Nous sommes dès lors partis de l’arbre généalogique. Pour chaque enfant, mon fils arrivait avec son arbre qu’il présentait. Ensuite, il demandait à l’enfant de réaliser le sien. De là partait la discussion sur la famille, sur ce qu’on vit, à la maison, à l’école… Ce fut réellement un super bon outil ! (…)

Quelles conclusions votre fils a-t-il tiré de ces rencontres avec d’autres enfants ? Iñaki avait décidé de ne plus parler de sa situation familiale dans sa nouvelle école… et finalement, il en a parlé, de nouveau devant sa classe, sans aucune pudeur. En fait, ce qu’il en a retiré, c’est que c’est une richesse de vivre dans une famille homoparentale, qu’il ne faut pas le cacher.

Dans une interview récente à la chaîne RTBF, vous avez évoqué souhaiter une formation du corps enseignant aux questions de diversité et de genre. Quelles formes concrètes ces formations pourraient-elles prendre ? Comment, par exemple, a réagi l’enseignant de votre fils lorsqu’il a abordé avec ses camarades son statut d’enfant issu d’une famille homoparentale ? À l’époque, l’institutrice a balayé les questions en disant « Oh, c’est bon, on peut aimer qui on veut ! ». Et c’est tout ! Elle aurait pu lancer la discussion, demander aux enfants de s’exprimer. Mais je pense qu’elle était démunie… qu’elle ne savait pas aborder l’homosexualité avec une classe de mômes de dix ans. Et c’est bien là que le bât blesse ! Et je ne parle pas ici uniquement d’homosexualité… mais d’accueil de la diversité des familles. (…)

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Maman est gouine, un documentaire de Deborah Fabré, prises de son, montage, mixage de Gregor Beck.

Retrouvez la rencontre avec Déborah Fabré en intégralité dans le numéro de février de Jeanne MagazineEn vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 80 pages de contenu exclusif chaque mois !