A Umeå, une petite ville située dans le nord de la Suède, Elfrida, a fondé A Lesbian Odyssey, un projet qui a pour objectif de mettre en lumière les artistes lesbiennes et aussi de créer du lien , de donner de la force, du courage et des moyens aux jeunes lesbiennes du nord du pays. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.
Vous êtes la fondatrice du projet A Lesbian Odyssey, qui a pour objectif de repositionner les lesbiennes dans la culture telle qu’on la (mé)connaît.Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ? Le projet s’intitule dans son entièreté Mythes et réalités – une odyssée lesbienne et a quatre axes de développement : le premier est une recherche historique et plus récente sur la présence lesbienne dans le nord de la Suède. Le second est un programme de mentoring artistique pour permettre à de jeunes artistes lesbiennes et d’autres plus confirmées de se faire connaître. Le troisième est l’élaboration d’un musée lesbien créé à bord d’un van, qui se déplace dans le pays, pour une mise en lumière de l’art, de la culture et de l’histoire lesbienne. Le quatrième enfin, est une exposition artistique, créée par le programme de mentoring, visible dans différentes institutions artistiques et musées du pays.
Quel était l’objectif de cette odyssée lesbienne lorsque vous l’avez pensée ? L’ojectif principal du projet est de créer du lien, de donner de la force, du courage et des moyens aux jeunes lesbiennes du nord du pays. Nous avons pensé ce projet à deux avec Sara Lindquist, qui est ma collègue depuis 2010. Tout a commencé avec Sara, photographe de métier, lorsqu’elle m’a parlé de son envie de photographier des lesbiennes dans leur quotidien et leur vie de couple. A ce moment-même, je rêvais de plonger dans les archives culturelles pour mettre à jour le rôle des lesbiennes trop souvent oublié dans l’Histoire. Nous avons demandé à une association non gouvernementale, Lesbisk Makt (Lesbian Power), si elle acceptait de chapeauter le projet sous son nom et quelles seraient alors les demandes spécifiques de leurs adhérentes pour un projet comme celui-ci. Ensemble, nous avons vu le besoin spécique d’effectuer ce travail dans le nord du pays particulièrement, en se concentrant sur la jeunesse et en utilisant l’art comme vecteur principal. En effet, l’Histoire n’est pas objective, mais est subjectivement interprétée à travers un regard hétérosexuel, patrical et colonial. La majorité normative est tellement habituée à voir l’histoire se refléter selon sa propre image qu’elle ne voit pas que l’histoire est écrite au détriment d’autres personnes, n’appartenant pas à cette majorité normative. (…)
Et l’art permet cette évolution de la pensée normative… Tout à fait ! En effet quoi de mieux que l’art pour faire passer des messages ! C’est pourquoi nous avons demandé à Vilda Kvist, artiste suédoise, de travailler à nos côtés pour mettre sur pied un programme de mentoring pour de jeunes queer qui habitent dans le nord. Pour ces jeunes lesbiennes, avoir pour mentor une artiste lesbienne professionnelle originaire du Norrland était particulièrement stimulant. Elles se sont données à fond pour créer des oeuvres originales qui seraient exposées dans de grandes institutions du pays. (…)
Créer un musée dans un van est une idée originale et utile pour le montrer au plus grand nombre. Etait-ce l’une de vos motivations ? Le Norrland, la région au nord de la Suède, couvre deux tiers du pays. Les distances sont énormes et il y a des lesbiennes aux quatre coins de cet immense espace. Un musée, comme on peut l’entendre habituellement, dans un bâtiment n’aurait pu être visité par le plus grand nombre et aurait dû être dans une ville, probablement à Umeå, là où je vis pour des raisons de praticité. Le van permet à ce musée lesbien de se déplacer, il est un lieu sécurisé, une pièce queer, une scène pour promouvoir des événements culturels et des ateliers divers. Ce musée est un endroit où les lesbiennes sont la norme et se sentent comme à la maison. (…)
Comment pensez-vous que la jeunesse queer va pouvoir s’approprier l’Histoire pour qu’enfin change ce regard normatif, hétéronormé et patriarcal ? Tout d’abord en n’acceptant plus ce regard biaisé de l’Histoire lorsqu’il nous est présenté dans les musées ou par les historiens. Arrêtons de les écouter lorsqu’ils nous disent « qu’il n’y a pas d’autres manières de voir l’Histoire » ou encore « qu’il n’y a pas eu de représentation d’autres normes dans le passé ». Nous devons par ailleurs influencer ceux qui nous gouvernent pour définir ce qu’est notre mémoire collective et leur faire comprendre qu’ils corrompent l’Histoire en ne la racontant qu’à travers le filtre normatif. Ils ne connaissent pas d’autres visions de l’Histoire, alors ils interprètent mal les archives, ils n’ont tout simplement pas les connaissances. Parfois encore ils choisissent délibérément de cacher ou simplement de ne pas mentionner tel ou tel fait historique en pensant protéger la réputation d’un personnage historique. Beaucoup de ces historiens oublient que simplement parce qu’une personne a pu vivre à une période où l’homosexualité était considérée comme un crime, en l’obligeant à cacher sa propre identité de ses parents par exemple, ne signifie pas pour autant que nous devons recréer ce stigmate à nouveau. (…)
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Retrouvez la rencontre avec Elfrida en intégralité dans le numéro de février de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !