Expérience unique pour celles qui souhaitent passer un séjour en pleine nature basé sur la confiance et la générosité où le partage et la convivialité sont placés au cœur du projet, le wwoofing repose sur la mise en relation d’un hôte travaillant dans une ferme, et d’un wwoofer qui offre sa main d’œuvre en contrepartie de la découverte d’un métier, du gîte et du couvert. Nathalie, Karine, Anne, Laura et Camrin, partagent avec nous leur expérience de wwoofeuses, et David Marie nous présente l’association WWOOF France qui a pour objectif de promouvoir l’agriculture biologique à travers des séjours immersifs dans des fermes biologiques. Extrait du témoignage de Laura et Camrin publié dans le numéro d’août de Jeanne Magazine.
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Rencontre dans le Wisconsin avec Laura, photographe publicitaire et Camrin, développeuse web, deux jeunes femmes en couple depuis quatre ans, qui ont décidé de partir une année à la découverte des parcs nationaux des Etats-Unis tout en travaillant dans des fermes biologiques pour en apprendre plus sur l’agriculture durable.
Comment avez-vous découvert le wwoofing ? Un ami de Laura lui a expliqué le concept il y a longtemps. Elle a donc fait ses premiers pas dans le wwoofing lorsqu’elle est partie en Inde en 2012 et elle a adoré ! Là-bas, elle est restée dans trois fermes différentes, c’est pourquoi elle a pensé que nous devrions faire la même chose durant notre voyage ici, aux Etats-Unis et rester dans différentes fermes selon les villes où nous irions. (…)
Lorsque vous avez décidé de partir aux quatre coins des Etats-Unis, le wwoofing s’est donc en quelque sorte imposé à vous… Exactement ! Etant des passionnées de la nature et aussi décidées d’en apprendre plus sur les nouvelles façons de voir l’agriculture durable , nous avons vraiment voulu associer cela avec la découverte des parcs nationaux aux Etats-Unis. Le gouvernement actuel dans ce pays fait tout pour vendre chaque parcelle de terre publique au meilleur offrant, qui, en général, n’a d’autre objectif que de piller la terre de ses ressources comme le pétrole. Nous nous sommes donc dit qu’il était important de voir ces terres de nos propres yeux pour vraiment comprendre combien elles comptent pour ceux qui habitent là et pour y conserver l’écosystème local. En cela, le wwoofing est le meilleur moyen de voir comment d’autres personnes dans ce pays se débrouillent pour développer une agriculture plus responsable.
Qu’attendiez-vous de ces rencontres avec les agriculteurs du programme qui allaient vous accueillir ? Nous pensons qu’il est primordial de savoir d’où vient la nourriture que nous avons dans nos assiettes. Lorsque vous vivez dans les villes modernes, vous êtes tellement dépendant des personnes qui font pousser et élèvent les aliments que vous mangerez ! Nous allons simplement dans le supermarché et prélevons des rayons ce que nous voulons manger sans vraiment penser à celles et ceux qui travaillent pour que cela soit possible.
Comment choisissiez-vous les fermes dans lesquelles vous vous rendiez ? Aux Etats-Unis la population tend à se diviser en deux, dans les villes vous avez les habitants les plus politiquement progressistes tandis que dans les zones rurales, beaucoup sont conservateurs, ce qui, pour nous, signifie que nous avions beaucoup de risques de tomber sur des personnes qui ne voient pas d’un très bon oeil les couples lesbiens. Nous avons donc clairement évité tous ceux qui écrivaient sur leur fiche “valeurs chrétiennes”, synonyme aujourd’hui de très religieux et très conservateur. Lorsque nous sélectionnions des fermes, nous étions très claires dans notre emails de présentation sur le fait que nous sommes un couple lesbien donc s’il y avait un problème avec cela, qu’il fallait ignorer notre demande. Clairement nous préférions être ignorées plutôt que de passer deux semaines dans une ferme où nous ne pourrions être nous-mêmes. Au-delà de ça, nous avons prioritairement choisi des fermes qui proposaient des missions à propos desquelles nous ne connaissions rien. (…)
Et une fois sur place, comment cela s’est-il déroulé ? Très bien ! Dans notre première ferme, nous n’avions ni chambre ni douche sur la ferme, mais nous le savions déjà puisque notre hôte nous avait prévenues de la rusticité de sa ferme. Ils travaillaient la lavande de manière très intéressante et nous voulions vraiment y passer deux semaines même si deux semaines sans une vraie douche, c’est plutôt compliqué [Rires]. Les hôtes ont vraiment fait de leur mieux pour que nous soyons à l’aise. Nous prenions du bon temps à nager dans la rivière qui longeait la ferme et ils nous préparaient les meilleurs repas que nous avons pris de tout le voyage ! Notre véhicule avait tout le matériel nécessaire pour que nous ayons tout de même du confort. Être nourries était vraiment l’élément le plus indispensable pour nous.
Est-il difficile de s’intégrer dans une ferme lorsque l’on doit y travailler et qu’on ne sait pas vraiment s’y prendre au début ? S’acclimater était plutôt simple, car la plupart des fermes dans lesquelles nous sommes allées avaient déjà reçu des wwoofers, ils savaient donc un peu comment s’y prendre. Ils étaient donc très clairs sur les règles de base et les horaires à respecter sur la ferme tout en nous proposant des tâches souvent réalisables et d’autres qui relevaient parfois du défi pour des initiés. (…)
Comment organisiez-vous votre temps sur les fermes ? Certaines fermes étaient mieux organisées que d’autres. Nous avons noté, par exemple, que plus les propriétaires étaient âgés et plus les emplois du temps étaient organisés. Bien sûr, toutes les fermes qui élèvent du bétail étaient, elles, plus strictes encore sur le timing. En règle générale, lorsque nous nous levions le matin, on faisait un point avec les hôtes pour savoir comment organiser la journée et ce qu’ils attendaient de nous. La plupart du temps, nous travaillions avec les hôtes, mais parfois ils pouvaient nous proposer un projet indépendant. Nous accordions 4 à 6 heures de nos journées à travailler, occasionnellement plus longtemps si nous aimions vraiment le projet sur lequel nous étions ou si nous sentions que nos hôtes avaient vraiment besoin d’un coup de main supplémentaire pour finir une tâche en particulier. Les soirées étaient en général nos moments de temps libre que nous occupions à nous reposer et à passer du bon temps. C’est pendant les week-ends que nous explorions les alentours. Sur les six fermes dans lesquelles nous avons été, nous étions les seules wwoofers sur place, ce qui nous donnait la chance de vraiment discuter avec les hôtes et de nous lier avec eux. Une seule ferme accueillait 12 autres wwoofers avec nous, mais peu de fermes peuvent se permettre d’accueillir autant de wwoofers en même temps. Et c’est en soi une expérience à faire, car vivre le wwoofing avec autant d’autres bénévoles sur la ferme ajoute un plus à l’expérience. Pouvoir partager son parcours avec autant d’autres personnes, partager des anecdotes, se donner les bons plans, traîner ensemble lors de nos temps libres avait un certain charme dans notre expérience sur cette ferme. Dans le futur, d’ailleurs, nous chercherons d’autres opportunités comme celle-ci.
Qu’avez-vous appris principalement en travaillant dans toutes ces fermes biologiques ? Dans chaque ferme où nous sommes allées, il y avait toujours l’idée que la nourriture que nous mangeons est précieuse et que la terre sur laquelle elle pousse devrait être respectée. Certains propriétaires de ferme vivaient de ce qu’ils vendaient tandis que d’autres le faisaient pour leur consommation personnelle. Nous avons beaucoup aimé nos séjours dans les fermes qui vivaient de leur travail. Aux Etats-Unis, il est vraiment très difficile pour les petites fermes biologiques de pouvoir réaliser du profit et de concurrencer les énormes fermes “usines commerciales”. Alors nous respectons grandement les agriculteurs qui réussissent à en vivre tout en gardant comme objectif principal d’être et de garder les valeurs d’une ferme biologique.
Pouvez-vous partager avec nous votre meilleur souvenir ? Notre meilleure expérience reste la première que nous avons vécu dans le ferme sans chambre ni douche et où nous avons probablement travaillé le plus dur sous un soleil de plomb ! C’était donc une ferme de lavande au milieu de nulle part dans l’état du Montana. La ferme et les terres étaient la propriété d’une vieille femme qui a pu vivre de la vente de ses légumes et de la réalisation de bouquets de fleurs pendant les 20 dernières années. Elle était incroyablement impressionnante et en savait tellement à propos de l’agriculture et des fleurs ! À la fin de notre séjour, nous avions appris tellement de choses grâce à elle, que nous la respections énormément. Peut-être aussi qu’étant féministes nous-mêmes, nous étions juste très excitées de voir une femme de son âge avoir vécu une vie de réussite dans un domaine professionnel majoritairement masculin. Et puis, c’était très relaxant de travailler la lavande tous les jours.
Quels seraient vos conseils pour nos lectrices qui seraient désireuses de se lancer dans l’expérience du wwoofing ? Si vous le pouvez, renseignez-vous bien au préalable sur les fermes dans lesquelles vous voulez aller. Nous avons vécu principalement des expériences positives parce que nous avons communiqué avec les hôtes en amont de notre venue. Comme nous vous le disions, nous nous assurions que cela ne posait pas de problème que nous soyons un couple lesbien, histoire d’éviter toute mauvaise surprise une fois sur place. Il faut aussi bien lire les commentaires des précédents wwoofers, bien regarder toutes les photos postées par les propriétaires. Beaucoup de fermes ont des sites internet aujourd’hui, alors cherchez les liens pour y faire un tour. Le meilleur des conseil, c’est surtout de garder un esprit ouvert. Parfois nous avons mangé de la nourriture un peu bizarre et avons dormi dans nos tentes, mais rappelez-vous toujours que vous séjournez chez quelqu’un qui vous a ouvert ses portes et qui peut-être a d’autres habitudes que les vôtres ou qui n’a pas les moyens de s’offrir tout le confort que vous avez chez vous. Si vous êtes mal à l’aise ou que vous avez des allergies alimentaires, n’hésitez pas à le dire dès le début pour trouver des solutions. (…)
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Retrouvez les témoignages en intégralité dans le numéro d’août de Jeanne Magazine. N’oubliez pas qu’en vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer plus que 80 pages de contenu exclusif chaque mois !