Avec ses campagnes d’affichage, ses ateliers et son réseau d’entraide, le collectif 52 veut montrer que les femmes sont puissantes et leur donner les outils pour le devenir. Propos recueillis par Mathilde Bouquerel. Extrait de l’article publié dans le numéro d’août de Jeanne Magazine.
« Les femmes représentent 52 % de la population française. 52 %, c’est une majorité. Si nous avons cette puissance, pourquoi rester minoritaires dans la vie politique et économique ? » Trois phrases, un chiffre, et un constat simple, percutant. Voilà le début du manifeste de 52, jeune collectif féministe né il y a environ un an et demi, en janvier 2017. Au centre de leur démarche, cette notion de puissance : les femmes sont capables d’être les égales des hommes, elles en ont le pouvoir. Il faut seulement qu’elles en prennent conscience et qu’elles en aient les outils. Et justement, provoquer cette prise de conscience, mettre à disposition ces outils, c’est la mission que s’est donné 52. La stratégie du collectif repose sur l’énergie de groupe, l’entraide, un état d’esprit joyeux et une bonne dose de provoc. Un mode d’action qui transpire de ces trois paragraphes de manifeste, en noir sur fond blanc. De cette phrase de conclusion surtout, comme un uppercut : « 52 : parce que nous sommes puissantes. »
« On s’est rendu compte que, face au sexisme ordinaire, l’union fait la force »
Tout commence il y a deux ans quand deux amies, Marion et Sophie, se retrouvent autour d’un café. « C’est parti d’un truc très anecdotique », raconte Marion, « Je lui ai parlé de quelque chose d’assez banal que j’avais vécu au travail, une situation de négociation un peu dure avec un type qui voulait prendre l’ascendant. Sophie m’a donné deux ou trois conseils de communication non-verbale à appliquer dans ce genre de cas : poser mon sac sur la table, croiser les jambes… On s’est rendu compte que, face au sexisme ordinaire, l’union fait la force. » Tout se passe ensuite très vite. Marion et Sophie décident de réunir d’autres amies pour réfléchir à des actions possibles autour de la situation des femmes. Elles organisent un premier dîner avec le petit groupe qu’elles ont constitué et assez rapidement un objectif émerge : devenir un réseau d’entraide féministe. C’est aussi ce soir là que le nom du collectif est trouvé, grâce à Marion. « Moi j’ai l’esprit d’escalier. Une des filles a dû sortir ce chiffre et j’ai dit : ‘Pourquoi pas ça ?’ Un chiffre c’est un fait objectif, c’est inattaquable. »
Liquider les inégalités
La première action de 52 a lieu en janvier 2017, pendant les soldes d’hiver. L’idée est de profiter de ce moment de l’année où les grandes enseignes ciblent en particulier les consommatrices pour attirer l’attention sur les inégalités économiques et politiques entre les femmes et les hommes. « Liquider les inégalités », c’est son nom, prend la forme d’une campagne d’affichage sauvage dans trois grandes villes françaises : Paris, Lyon et Marseille. Reprenant les codes des réclames publicitaires (couleurs vives, slogans efficaces, pourcentages choc), les affiches du collectif exposent quatre chiffres particulièrement frappants. 26 % seulement de femmes présentes aux deux chambres du parlement, 64 % d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes en fin de carrière, 26 % de croissance rien qu’en mettant fin aux inégalités femmes/hommes, et enfin 85 % des dépenses des ménages faites par les femmes. « Nous sommes la force économique », affirme cette dernière. Une vidéo postée sur Vimeo accompagne l’action. On peut y voir les membres du collectif, masques de super-héroïnes noirs sur les yeux et blouson de cuir portant le chiffre 52 peint en rose dans le dos, en train de coller des affiches dans les rues la nuit. Deux articles, un dans Barbieturix et l’autre dans Les Inrocks, s’en suivent. « Il y a eu un afflux de sympathisantes après cette première action », se souvient Marion, « On était une cinquantaine à chaque réunion, on commençait à être vraiment nombreuses… C’est là que Sophie a eu l’idée de s’organiser en ‘maïa’, des petites groupes indépendants au sein du collectif qui se saisissent d’une idée et la mettent à exécution. C’est comme ça qu’on fonctionne maintenant. ». Quelques recherches sur Internet nous apprennent que le terme « maïa » vient de la maïeutique, cette discipline de l’esprit développée par le philosophe grec Socrate, qui consiste à faire accoucher quelqu’un de sa pensée en lui posant des questions. Autrement dit : plutôt que de dicter son savoir à l’élève, l’aider à trouver en lui-même les réponses à ses interrogations.
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