Entre quête initiatique, enquête policière et roman fantastique, Un Renard dans le Miroir de Luisa Gallerini, est le coup de cœur de la rédaction de Jeanne Magazine. Un récit érotique qui lève le voile sur l’un des plus célèbres salons littéraires du siècle dernier. Extrait de l’interview publiée dans le numéro d’août de Jeanne Magazine.
Dans Un Renard dans le miroir, chaque personnage fictif possède un double réel, et, parmi eux, Dona Lampado n’est autre que Natalie Clifford Barney à qui vous dédiez votre roman. Pendant plus de soixante ans, son salon littéraire de la rue Jacob a accueilli les écrivains et artistes qui ont compté des deux côtés de l’Atlantique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les salons littéraires de l’époque… Au début du 20è siècle, époque par excellence des salons littéraires, ces derniers sont fréquentés par une population hétérogène et cosmopolite, mais toujours triée sur le volet : artistes (musiciens, peintres, acteurs de théâtre, poètes, écrivains, danseuses…), critiques (journalistes), cocottes, hommes politiques, étrangers fortunés, aristocrates et autres personnalités incontournables des milieux mondains. Tenus par des femmes, épouses d’hommes influents férues d’art (comme la poétesse Anna de Noailles ou la comtesse Greffulhe à la fois peintre et musicienne), mécènes fortunées (comme Gertrude Stein, également poétesse, écrivain et dramaturge, dont le salon était fréquenté par Picasso, Braque, Matisse, Hemingway ou encore Scott Fitzgerald), riches héritières (comme Natalie Clifford Barney) ou artistes en vogue (comme Madeleine Lemaire), ces salons mondains sont avant tout des lieux d’échanges culturels, de liberté d’expression et de liberté sexuelle, notamment homosexuelle (on pense ici aux salons de Natalie Barney, de Gertrude Stein, autre lesbienne notoire, ou encore à celui de l’artiste peintre Madeleine Lemaire que fréquentait Marcel Proust). On y parle littérature, on y joue de la musique, on y pratique l’art de la conversation, on y fait des lectures, et on y relaie, en toute hypocrisie, les potins du tout Paris sous couvert de bonnes manières. Dans Un Amour de Swann, Marcel Proust décrit à merveille ces hauts lieux de pouvoir et de débauche, souvent cruels et toujours sélectifs, où l’on doit se montrer au risque de voir sa réputation ruinée du jour au lendemain, et les portes des salons se refermer une à une.
Comment était considérée l’homosexualité à cette époque en France ? Au début du 20è siècle, l’homosexualité féminine était très mal vue en France, puisqu’elle était considérée comme une perversion, une forme de trouble du développement sexuel, au sens psychiatrique du terme (Freud aborde cette « pathologie » dans Psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine). Néanmoins, dans les hautes sphères de la société, certaines femmes se moquent éperdument des soi-disant bonnes mœurs, et revendiquent haut et fort leur homosexualité. Ainsi, Natalie Clifford Barney multiplie publiquement les maîtresses ; aucune femme, même mariée, ne semble lui résister. De son côté, Gertrude Stein partage sa vie au grand jour avec Alice B. Toklas, jusqu’à ce que la mort les sépare. Enfin, nombre de personnalités parisiennes cachent fort peu (ou pas du tout) leurs aventures homosexuelles ; c’est le cas de l’écrivain Colette, de Sarah Bernardt, de Joséphine Baker (qui succomba aux charmes de Frida Kahlo), ou encore de la danseuse et chorégraphe Loïe Fuller. Enfin, n’oublions pas que c’est aussi l’époque du look à la garçonne qu’arbore Marlene Dietrich dans L’Ange bleu, un look très à la mode dans les cabarets lesbiens berlinois.
Comment avez-vous créé votre héroïne Joséphine ? Joséphine est le stéréotype de la jeune ingénue. Récemment sortie du couvent, elle se laisse complètement prendre au jeu – entre autre, érotique – de la soirée à laquelle elle est conviée. Curieuse, observatrice, joueuse, parfois naïve, elle respire la jeunesse, la fraîcheur, et constitue, de fait, une proie de choix pour son hôte, une séductrice dominatrice qui ne rêve que d’une chose, initier la jeune fille aux délices de l’amour entre femmes. Pourtant, contrairement aux apparences, Joséphine possède un caractère bien trempé pour son âge. A moins qu’elle ne tire cette force, et peut-être d’autres traits de son caractère, d’une mystérieuse seconde nature, mais là, je ne peux pas vous en dire plus… En revanche, je peux vous révéler le nom de l’arme secrète que j’ai utilisée pour construire l’héroïne du Renard dans le miroir : le fameux Myers Briggs Type Indicator (MBTI), un outil très puissant qui permet d’établir la psychologie complète d’un personnage à partir de son type de personnalité.
Votre roman comporte de nombreuses scènes de sexe lesbien, comment les avez-vous abordées ? Un Renard dans le miroir est un roman érotique, son objectif avoué est donc d’attiser le désir, quels que soient le genre et l’orientation sexuelle du lecteur. Et plus l’intrigue progresse, plus la température monte… Pour moi, le plus difficile n’a pas été de trouver l’inspiration, d’imaginer les scènes ou de les décrire. Je dirais plutôt que le plus dur, dans cet exercice particulier, a été de ne pas me faire prendre à mon propre jeu [Rires] !…
Retrouvez l’interview de Luisa Gallerini en intégralité dans le numéro d’août de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !