Jeanne Magazine a rencontré Maya Newell, la jeune réalisatrice australienne à qui l’on doit Gayby Baby, un documentaire qui suit le quotidien de quatre enfants, Gus, Ebony, Matt et Graham, qui vivent dans des familles homoparentales. Avec ces témoignages, Maya prend part au débat lié à la légalisation du mariage entre personnes de même sexe qui a lieu actuellement en Australie. Un sujet qui touche d’autant plus la réalisatrice, elle-même issue d’une famille composée de deux mamans, et qui avait partagé son histoire dans Growing Up Baby, un documentaire qu’elle a réalisé en 2013. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de novembre de Jeanne Magazine.
Pouvez-vous revenir sur la raison qui vous a donné l’envie de réaliser les documentaires Growing Up Gayby et plus récemment Gayby Baby ? Les deux documentaires sont nés d’une même source d’inspiration. Il est rare de pouvoir avoir l’opportunité de réaliser deux films traitant du même sujet, mais exploré de différentes manières. Growing Up Gayby a été réalisé de manière très journalistique car il n’était prévu que pour la télévision, tandis que Gayby Baby est un documentaire dont l’objectif est d’observer les protagonistes, il pourrait être adapté pour grand écran. Nous voulions faire ces films car en Australie, nous sommes au milieu d’un débat très désagréable qui porte sur l’égalité face au mariage et si les enfants issus de familles homoparentales sont en danger ou non. Certaines figures politiques et publiques répètent inlassablement l’argument suivant : « le mariage c’est avant tout avoir des enfants et tous les enfants ont besoin d’un papa et d’une maman ». Je les entends murmurer « que se passera-t-il si nous légalisons le mariage pour les personnes homosexuelles ? Que se passera-t-il s’ils ont des enfants ? ». Même si aujourd’hui les couples homos ne peuvent pas légalement se marier en Australie, ils ont des enfants depuis des générations déjà. Je suis d’ailleurs l’une de ces enfants et je pense que notre voix manque dans ce débat. Pourquoi personne n’interroge ces enfants directement ? Nous sommes certainement les mieux placés pour parler de notre bien-être et de notre bonheur. (…)
Quels sont les messages que vous souhaitez partager avec les spectateurs de Gayby Baby ? J’espère qu’après avoir vu ce documentaire, les gens s’interrogeront sur ce qu’est une famille et comment elle se définit. En demandant à Ebony, l’une des enfants de ce film, ce qu’était une famille, elle a répondu : « Les personnes qui font de toi qui tu es aujourd’hui sont les membres de ta famille ». Par ailleurs, les enfants ont besoin de voir leurs vies et la diversité de leurs structures familiales dans des histoires pour pouvoir s’y identifier. Nous avons besoin d’histoires vraies et non d’histoires qui ont pour but de prouver que « nous sommes pareils que tout le monde, nos familles sont parfaites, nos familles sont comme les vôtres ! ». En ce sens, Gayby Baby n’est pas une publicité pour les familles LGBT, mais un film dans lequel les membres d’une famille qui s’aime se battent quotidiennement pour faire respecter les valeurs et les besoins qu’ils partagent, cela passe par des disputes et parfois des déceptions. Les familles homoparentales ne sont pas parfaites, mais elles ne le sont pas moins que n’importe quelle autre famille. (…)
Comment expliquez-vous que le débat autour du mariage entre personnes de même sexe soit aussi houleux en Australie ? Je ne me l’explique pas. Plus de 70% des Australiens soutiennent l’égalité face au mariage, mais nous avons quelques voix très conservatrices au sommet de notre système qui refusent de céder quoi que ce soit. Nous travaillons actuellement énormément pour diffuser le documentaire dans les différentes chambres parlementaires à travers le pays. Nous espérons ainsi qu’en permettant à nos leaders politiques de voir la réalité derrière les familles homoparentales, alors ils prendront des décisions justes en ce qui concerne ces enfants.
Comment voyez-vous la situation évoluer au cours des prochains mois ? C’est encourageant de voir que nous avons un Premier Ministre qui est le premier de toute l’histoire australienne à soutenir l’égalité face au mariage. Il faut donc attendre et voir ce qui va arriver. Nous ne souhaitons pas un référendum, alors que c’est pourtant ce dont on parle en ce moment. Je suis profondément inquiète par cette idée de référendum, car les familles homoparentales et surtout les enfants issus de ce modèle familial seront le sujet d’attaque favori des voix conservatrices. Nous risquons alors de vivre des moments de discours de haine très violents et publics à propos des familles LGBT. En tant que pays occidental, l’égalité face au mariage devrait être un sujet de droits humains et par conséquent, la légalisation devrait passer par le parlement et non par un vote citoyen.
Retrouvez l’interview de Maya Newell en intégralité dans le numéro de novembre de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !
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