Astrid, notre chroniqueuse autour du monde et son amie ont passé 6 semaines au Maroc avant de poursuivre leur route en auto-stop vers le sud, direction Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Comme dans chaque numéro de Jeanne Magazine, elle nous prodigue ses précieux conseils de baroudeuse. Extrait de l’article publié dans le numéro de mai de Jeanne Magazine :
Plus d’un tiers des pays du monde condamnent d’une façon ou d’une autre l’homosexualité. Peines de prison – voire peine capitale – sans compter les qu’en dira-t-on et les violences physiques ou morales : dans certaines régions du globe, mieux vaut taire sa différence. Je viens de passer six semaines au Maroc avec mon amie, pays où l’Islam est très présent, mais qui reste pourtant plus ouvert d’esprit que d’autres pays arabo-musulmans. Nous avons ensuite poursuivi notre route jusqu’à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. Voici mon retour sur cette aventure en auto-stop, qui nous a laissé une impression mitigée. (…)
Zoom sur la Mauritanie
Mon voyage se poursuit vers le Sud, et je franchis les portes de la république islamique de Mauritanie. Pour tout dire, je connais bien ce pays : c’est la quatrième fois que je m’y rends. J’y ai même vécu plusieurs mois à l’époque. Seulement, c’est la première fois que j’y suis accompagnée, et bien que la Charia ne soit plus totalement appliquée, l’idée même d’être surprise aux bras de ma chérie suffit à me faire frémir. À travers la planète, dix pays dont l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Mauritanie ou le Soudan, appliquent ainsi la peine de mort. Tuer, pour seul pêché d’être tombée amoureuse. Aimer n’est donc pas un droit universel. Entre deux appels à la prière du muezzin, nos baisers autrefois romantiques deviennent silencieux et hésitants. Risquer ma vie pour ses lèvres n’est sûrement pas l’idée du siècle. Ou serait-ce de la paranoïa ? Qu’importe, tous les soirs, j’en viens à me demander ce qui nous a poussées à venir voyager ici, alors que tout aurait pu être si simple dans d’autres contrées. Et puis, tenir sa main dans la rue, aussi futile que cela puisse être, me manque terriblement. Pourtant, je me réveille chaque matin, face à la douceur de son sourire contagieux, puis entourée de l’amour de cette famille peule qui nous reçoit comme ses propres enfants. Et je me dis que ces moments de partage et de rencontre valent bien plus que le prix de notre discrétion.
Alors, faut-il se rendre dans un pays homophobe ?
Boycotter une destination homophobe peut être la solution pour passer des vacances reposantes, sans avoir le sentiment de rester constamment sur ses gardes. Si vous souhaitez vous détendre aux bras de votre chérie, ou faire de nouvelles rencontres, mieux vaut choisir un lieu où vous n’aurez pas à taire votre identité sexuelle. Par ailleurs, décider de ne pas supporter l’économie d’un pays à l’idéologie anti-gay peut-être considéré comme un acte politique et citoyen. Mais parfois, les choses ne sont pas si simples. Doit-on renoncer au charme de certaines destinations pour des raisons d’orientation sexuelle? J’ai parcouru le monde, de la Malaisie au Kenya, en passant par l’Inde ou la Zambie. Des pays pas vraiment gay-friendly. Pourtant, si je devais avoir un seul conseil à vous donner, ça serait : foncez ! Le monde regorge de merveilles, et les belles rencontres suffisent à faire disparaître les difficultés liées à ce type d’aventure. De plus, aller au-delà des inconvénients d’un tel voyage pourrait bien être une façon de soutenir les communautés LGBT locales. Quelles que soient vos motivations, donnez du sens à votre projet. Écoutez-vous et respectez vos envies afin de profiter de tous les bienfaits de votre aventure. Et gardez à l’esprit que voyager doit rester bénéfique !
Par Astrid
Retrouvez l’article en intégralité dans le numéro de mai de Jeanne Magazine : n’oubliez pas qu’en soutenant Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !
Je voudrais qu’on m’explique en quoi on aide les LGBT sur place en allant dans ces pays homophobes ? Surtout si on ne se fait très discret, voir qu’on ment sur notre identité sexuelle.
Par contre, ce qu’on fait quand on y va, c’est :
_ faire tourner le commerce de populations locales homophobes qui, si on était des LGBT locaux, nous cracheraient dessus, nous dénonceraient aux autorités, …
_ rapporter de l’argent à des gouvernements qui utiliseront cet argent pour faire appliquer leur politique homophobe
_ se faire plaisir en visitant de beaux endroits pendant que les LGBT de ces pays se font tuer, emprisonner, lyncher, violer …
_ faire passer notre intérêt personnel avant la solidarité avec les autres LGBT
Pour moi, la seule vraie chose à faire est de boycotter ces pays, quitte à sacrifier son envie de voir certains beaux endroits.
Et si tout les LGBT et les gay friendly en faisaient autant, ces pays seraient peut-être obligés de changer un peu, de gré ou de force, leur politique de répression des homo.
Prouvez-moi que j’ai tort.
Salut Sabrina,
Je me permets de répondre à ton commentaire. Tout d’abord, sache que je suis d’accord avec tes arguments, ce que tu dis est vrai, d’où ce débat.
Toutefois, je me permets d’ajouter que :
– La population n’est pas un tout, ayant une forme de pensée unique. Certains sont plus ouverts que d’autres, certains sont d’accord avec les lois, d’autres non.
– Les échanges interculturels sont une fenêtre qui s’ouvre sur le monde, permettant de faire évoluer les mentalités. Je te le concède, cet argument ne tient que lorsque l’on ne ment pas sur notre identité sexuelle. Après, tout n’est pas noir ou blanc. Il y a des personnes avec lesquelles le débat peut avoir lieu, pour d’autres, cela reste malheureusement impossible.
– Se rendre sur place permet de prendre conscience de la réalité des choses, et de réaliser la chance que l’on a d’être nées dans un pays libre. C’est aussi une façon d’apporter un témoignage à notre retour.
C’est pour cela que le débat doit avoir lieu. Dans la conclusion, il est écrit « De plus, aller au-delà des inconvénients d’un tel voyage pourrait bien être une façon de soutenir les communautés LGBT locales. » J’insiste sur le « pourrait », il s’agit pour moi d’une vraie question.
Elle est donc posée. Je pense comme toi que les bienfaits du tourisme ont tendance à être idéalisés. Je crois aussi que tout voyage doit être éthique, et que profiter des vacances quand d’autres souffrent à quelques pas de là est contre-morale.
Tous ces arguments se tiennent, tout dépend du sens que l’on donne à son voyage. Se rendre sur place pour aller à la rencontre des habitants n’a pas la même portée symbolique qu’un séjour en hôtel cinq étoiles, où tout est cloisonné.
Pour continuer la réflexion, nous pourrions boycotter un pays parce qu’il est homophobe. Nous pourrions en boycotter des centaines d’autres : dictatures plus ou moins déguisées, pays où les droits de l’homme ne sont pas respectés, pays en guerre (dont les guerres pseudo-éthiques sur fond de pétrole), pays qui autorise la chasse/pêche des espèces en voie de disparition (baleines…).
Bref, je crois fermement que le boycott n’est pas la solution. L’Histoire a toujours démontré que rejeter l’autre finissait mal. En mélangeant les cultures, quelque chose de positif ressortira forcément, notamment dans nos sociétés où la tendance est au repli sur soi. Toutefois, le débat est posé, et tes arguments sont tout à fait recevables.
Bonne continuation 😉
Salut Astrid,
Si j’ai bien compris, tu penses qu’on peut aider les LGBT locaux en se rendant dans ces pays car ça favorise les échanges culturelles et permet de promouvoir une plus grande ouverture d’esprit.
J’ai envie de te dire que les échanges culturelles n’ont pas attendus notre arrivée dans ces pays pour avoir lieu et pour autant, on peut pas dire que les choses s’améliorent. C’est plutôt le contraire, ces pays rejettent la culture occidentale.
Je sais que le population n’est pas une masse uniforme qui partage forcément les mêmes visions des choses mais il faut avouer que les progressistes sont rares dans la plupart de ces pays.
Je te le concède, le boycott n’est pas une solution sur le long terme, en tout cas, pas à lui seul.
Il faut l’associer à une pression politique et humanitaire internationale des pays, des organisations internationales, des groupements d’intérêts …
Il faut aussi soutenir le travail sur place des LGBT locaux car eux seuls sont en position d’obtenir l’écoute de la population, mais il faudrait pouvoir les protéger.
Il faut essayer de faire évoluer les mentalités dans ces pays sans que ça passe pour du paternalisme occidental.
Il faut donc utiliser des moyens détournés comme promouvoir l’accès à l’école des filles par exemple, car quand les femmes sont éduquées, elles arrivent à remettre en question les vieilles valeurs patriarcales qui nous oppriment.
L’évolution des mœurs passe toujours par les femmes.
Elle passe souvent aussi par l’éloignement du religieux mais pour cela, c’est les hommes qu’il faut éduquer. :/
Ce qui serait génial, ça serait de pouvoir obtenir l’interdiction du prosélytisme religieux dans les pays étrangers. Je pense aux protestants Américains qui vont monter la tête aux gens en Afrique.
Ça devrait être condamné par la communauté internationale, ils font des appels à la haine, à la violence, ils mettent en danger la vie des gens.
C’est comme le vatican et son discours officiel de refuser l’utilisation du préservatif. Des gens meurent à cause d’eux !
On devrait faire une action collective internationale pour les mener en Justice et les faire condamner pour ça !
C’est aussi grave qu’un crime contre l’Humanité !
Sur ce, bonne continuation à toi aussi 😉
Re…
Merci d’avoir pris le temps de répondre à mon dernier commentaire, c’est super intéressant pour moi d’échanger nos arguments respectifs.
Je pense que sur le fond, nous sommes à peu près d’accord, pas sur tout, mais dans les grandes lignes. Quand tu évoques l’éducation des femmes, le paternalisme occidental omniprésent, le discours du Vatican… je ne peux qu’approuver.
Peut-être que sur la forme nos points de vue diffèrent, mais je respecte ton opinion, d’autant plus que tu es capable d’expliquer clairement tes raisons et que ton discours est parfaitement cohérent. Mais tu sais, je suis une éternelle optimiste, et je pense réellement que l’être humain, où qu’il soit né, a un bon fond. Voyager autour du monde depuis plus d’un an et demi me l’a prouvé à maintes reprises. Nulle part, je n’ai ressenti de la haine. Et c’est un peu de cette foi en l’Humanité que j’essayais de transmettre.
Bref, on ne sera sûrement jamais d’accord sur l’option à choisir, mais je te remercie d’avoir débattu avec moi, c’était enrichissant! Bises 🙂
Re …
Je vois bien que tu es une éternelle optimiste, une grande humaniste, c’est sans doute une bonne chose.
Tu dis ne pas avoir ressentie de haine mais tu as admis plus tôt que tu mentais sur ton orientation sexuelle, crois-tu vraiment que les réactions des gens ne seraient pas plus hostiles si ils le savaient ? (pas la peine de répondre, je crois qu’on connait toutes les deux la réponse).
Comme tu dis, on ne sera surement jamais d’accord mais moi aussi je te remercie de m’avoir répondue, c’est toujours sympa.
Bonne route et fais attention à toi 😉 Bises.