Diplômée de philosophie morale et politique à la Sorbonne, Stéphanie Arc nous présente la 3è édition de son essai Identités lesbiennes, en finir avec les idées reçues, où elle déconstruit les clichés et autres stéréotypes sur l’homosexualité féminine. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.
Après celle de 2010, pourquoi avoir décidé de faire une 3è édition ? Quatre ans après la première version, la deuxième édition avait surtout consisté en une actualisation. Mais pour cette nouvelle parution, en grand format, j’ai presque complètement réécrit le manuscrit d’origine ! En dix ans, la situation des lesbiennes a évolué et on mûrit soi-même… La proposition est venue de mon éditrice, Anne-Laure Marsaleix, dont je tiens à saluer le travail remarquable. Au vu de ce qui s’était passé en France en 2013 autour de l’ouverture du mariage, elle a pensé qu’il était important de prendre tous ces événements en compte dans le bouquin. Mais aussi de m’accorder plus d’espace, afin que je puisse ajouter des informations sur la santé, la littérature, les séries télés, etc.
Quelles sont les principales idées reçues sur les lesbiennes qui perdurent ? Qu’est-ce qui selon vous pourrait faire changer les mentalités ? Elles perdurent toutes, c’est malheureusement le propre des préjugés, qui sont profondément ancrés dans les esprits… Pour n’en citer que trois, peut-être les plus prégnantes, je dirais « Ce sont des camionneuses », qui associe systématiquement le lesbianisme à une virilité jugée vulgaire ; « Entre femmes, ce n’est pas vraiment du sexe », qui prétend que l’épanouissement sexuel d’une femme ne peut se passer d’homme (sous-entendu de la pénétration par le phallus) ; ou encore « On ne peut pas être heureuse quand on est lesbienne », selon laquelle l’homosexualité condamne les femmes homos au malheur. À l’échelle individuelle, nous devons contrecarrer ces idées dangereuses dès qu’on les rencontre, répéter sur tous les tons que les lesbiennes féminines sont de « vraies » lesbiennes aussi, qu’on peut être « masculine » et « sexy », qu’on a le droit d’être une « camionneuse » si ça nous chante sans être stigmatisées. Et, à l’échelle collective, montrer aux gens qu’ils se trompent en vivant telles que nous sommes, toutes différentes…
Des célébrités américaines comme Ellen Page ont d’ailleurs récemment fait leur coming out. Comment expliquez-vous qu’en France, les artistes féminines soient aussi frileuses pour parler de leur homosexualité ? C’est vrai qu’entre Ellen DeGeneres, plus qu’à l’aise avec sa vie « privée », et Muriel Robin, qui le dit du bout des lèvres, il y a un… océan ! Heureusement, ici, nous avons Océane Rosemarie… Plus sérieusement, et pour le dire vite, cela tient à des facteurs politiques et culturels qui différencient la France des pays anglo-saxons, notamment le fait que le modèle politique américain se fonde sur la reconnaissance des communautés, tandis que le nôtre repose sur un modèle républicain « universaliste ».
Parlez-nous de votre investissement auprès de SOS homophobie et de l’enquête Visibilité des lesbiennes et lesbophobie, qui sera bientôt publiée… Je milite avec la commission lesbophobie depuis 2006, à la fois pour produire des données sur la lesbophobie et remédier au manque d’infos sur le sujet, et pour les communiquer. Après la première enquête statistique que nous avons menée en France, réalisée pour montrer que la lesbophobie existe bel et bien, nous avons eu envie d’établir statistiquement les liens entre la visibilité en tant que lesbienne (par la parole, les gestes, le look, etc.) et l’hostilité sociale. Résultats à découvrir le 8 mars prochain sur www.sos-homophobie.org !
Identités lesbiennes, en finir avec les idées reçues de Stéphanie Arc, éditions du Cavalier bleu. Disponible le 19 février.
Page facebook de Stéphanie Arc
Ne vous contentez pas de cet extrait et retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de février de Jeanne Magazine, un bon moyen de soutenir votre magazine lesbien.