Cineffable, le festival international du film lesbien et féministe de Paris, est de retour à l’Espace Reuilly, du 20 au 23 octobre, pour sa 34è édition. Au programme : 4 jours d’échanges, de concert, d’exposition et de cinéma avec la projection de 11 longs-métrages et 30 courts, originaires de Bulgarie, de Chypre, d’Indonésie, du Liban, du Nigéria, de Pologne. Parmi les films à ne pas rater : Rebel Dykes !, le documentaire de Harri Shanahan et Siân A. Williams qui revient sur l’histoire de la communauté de gouines punk londonienne des années 80 et raconte comment ces femmes ont influencé profondément la culture lesbienne par le biais de l’art, du sexe et de l’activisme politique. The Venus Effect, la rom com lesbienne d’Anna Emma Haudal, My Name is Andrea de Pratibha Parmar qui dépeint le portrait d’Andrea Dworkin, autrice et féministe très controversée, connue pour son analyse critique avant-gardiste du patriarcat. Et Mickey on the Road de Lu Mian Mian, film taïwanais qui nous emmène dans un road-trip vers la Chine avec Mickey et Gin Gin, deux héroïnes en galère et hyper attachantes.

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À l’occasion de la diffusion de Rebel Dykes, le documentaire réalisé par Sian Williams et Harri Shanahan, à Cineffable le 21 octobre à 19h30, Jeanne vous propose de (re)découvrir l’article publié dans le numéro 95 de Jeanne Magazine.

Pendant des décennies, les Rebel Dykes ont été oubliées, exclues de l’histoire de Londres et des mouvements LGBTQ. Grâce à Siobhan Fahey, qui s’est plongée dans les archives de cette communauté de gouines punk dans le Londres des années 80, un documentaire raconte aujourd’hui comment ces femmes ont influencé profondément la culture lesbienne par le biais de l’art, du sexe et de l’activisme politique.

Produit par Siobhan Fahey et réalisé par Sian Williams et Harri Shanahan, Rebels Dykes met en lumière l’activisme révolutionnaire d’un groupe de gouines punk dans la Grande-Bretagne des années 1980. Mêlant animations, images d’archives et interviews. Rebels Dykes raconte comment des punks squatteuses, pour la plupart artistes, musiciennes, travailleuses du sexe, sont parvenues à organiser pacifiquement des rassemblements anti-Thatcher, des manifestations exigeant une action contre le SIDA et tisser des liens puissants pour se former une famille choisie.
Leur histoire, invisibilisée et ignorée pendant des décennies, a été sauvée par Siobhan Fahey, la productrice du documentaire, qui a inventé le terme Rebels Dykes, le groupe étant connu à l‘époque sous le nom S&M dykes. 

Tout commence en 2015, lorsqu’elle présente le Heritage Project, une collection d’archives, de photographies, de zines, d’affiches d’événements et d’autres documents de cette communauté au cours d’une tournée. Ces archives qui n’avaient jamais été vues ou utilisées dans des films auparavant sont présentées sous la forme d’un Powerpoint. Elle demande alors à Siân A. Williams, une amie cinéaste, de l’aider à réaliser une vidéo Youtube de sa présentation. Siân, archiviste audiovisuelle, qui s’intéresse depuis longtemps à la photographie lesbienne des années 80/90, voit d’emblée le potentiel de transformer son travail en long documentaire et les deux femmes proposent à leur amie commune Harri Shanahan de travailler sur la réalisation du film qui mettra six ans à voir le jour.
L’histoire des Rebel Dykes commence dans le Camp de femmes pour la paix à Greenham Common dans le Berkshire. Ce campement a été créé en 1981 pour protester pacifiquement contre la décision du gouvernement britannique d’autoriser l’installation de missiles de croisière nucléaires américains sur la base de la Royal Air Force. « C’était le seul endroit où les femmes homosexuelles pouvaient se rencontrer », raconte Siobhan, un refuge pour celles qui n’avaient nulle part où aller. Une famille composée de gouines rebelles se ralliant contre le thatchérisme, l’homophobie, le racisme, l’inégalité des sexes, la misogynie et la guerre. Elles étaient jeunes, punk, pauvres et ouvrières. Certaines étaient noires, d’autres trans – et toutes faisaient partie d’une minorité ostracisée au sein de la communauté lesbienne.
Connues pour afficher leurs prédilections pour le sadomasochisme, la pornographie et le sexe en public, elles débarquent à Londres au milieu des années 80. Là, elles squattent des dizaines de propriétés abandonnées autour de Brixton, Peckham, Vauxhall, Soho, Forest Gate et Hackney. Elles créent une communauté autour des soirées organisées dans le premier club fétichiste lesbien du monde, Le Chain Reaction à la Market Tavern de Vauxhall. Lancé par Seija qui dirigeait un club en Finlande, le club propose des shows pornos agrémentés de cuir, de chaînes et de fouets ainsi que des combats dans la boue… s’attirant ainsi la foudre des lesbiennes féministes plus « traditionnelles ». Contrairement à beaucoup d’espaces lesbiens, Le Chain Reaction était également trans-inclusif et devient une véritable famille pour les nombreuses femmes qui les rejoignent, en nombre, pour vivre ensemble dans des communautés polyamoureuses.
En parallèle, des membres de la communauté se produisent à travers Londres dans les groupes punk Mouth Almighty, Sister George et The Sluts From Outer Space. Elles organisent des soirées, parcourent la ville dans un gang de motardes appelé The Black Widows. Elles créent des entreprises de sextoys, et lancent des magazines érotiques lesbiens comme Quim, un magazine « pour les gouines de toutes les tendances sexuelles ». 

Après avoir œuvré en faveur de la libération sexuelle, les Rebels Dykes commencent à militer politiquement en organisant des marches des fiertés et des actions avec Act Up, mais leur élan est entravé très vite par la section 28. Proposée par le parti conservateur au gouvernement de Margaret Thatcher comme un amendement à la loi de 1988 du Local Government Act, la section 28 commence à être débattue au Parlement. Le texte stipule que les autorités locales « ne promouvront pas des écrits dans l’intention de promouvoir l’homosexualité » et « ne promouvront pas l’enseignement dans les écoles publiques de l’acceptabilité de l’homosexualité en tant que soi-disant relation familiale ».
L’abrogation de cette section 28 devient un enjeu majeur pour les militantes qui n’hésitent pas à mener des actions spectaculaires. Ainsi, le 2 février 1988, alors que la chambre haute du Parlement du Royaume-Uni vote en faveur de la loi, quatre rebelles descendent en rappel dans la chambre des Lords pour protester contre l’adoption du texte. Le 17 mars, sept femmes s’enchaînent aux grilles de Buckingham Palace. Le 23 mai, à quelques heures de la promulgation du Local Government Act, d’autres membres de la communauté envahissent le studio du journal télévisé de la BBC en criant « Stop the law ». Une d’entre elles s’enchaîne au pupitre de la présentatrice Sue Lawley tandis que d’autres s’attachent dans le couloir du studio, galvanisant et unissant la communauté homosexuelle à protester contre la section 28… qui ne sera finalement supprimée que 15 ans plus tard, en novembre 2003, par le gouvernement travailliste.


Entre-temps, les Rebels Dykes ont influencé profondément la culture lesbienne et ont inspiré de nombreux collectifs lesbiens, notamment celui des Lesbian Avengers, fondé en 1992, à New York, qui est à l’origine de la première Dyke March et de son développement dans le monde. À l’heure où plusieurs États américains (la Floride, la Géorgie, l’Oklahoma, le Tennessee, le Wisconsin et la Louisiane) déposent actuellement des projets de lois similaires visant à interdire « les discussions en classe sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre au primaire », le documentaire résonne tout particulièrement face au défi qui attend la nouvelle génération dont les droits sont de nouveau menacés par les conservateurs. Il nous offre en héritage l’histoire de cette communauté, garantissant que les Rebel Dykes ne seront plus oubliées.

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