Basé sur les écrits personnels de Patricia Highsmith et sur les témoignages de sa famille et de ses amantes, le documentaire d’Eva Vitija jette un nouvel éclairage sur la vie et l’œuvre de la célèbre autrice de Carol. Article initialement publié dans le numéro 97 de Jeanne Magazine.
« Quand ma famille et moi passions nos vacances d’été dans le village de Tegna au Tessin, mes parents me disaient qu’il y avait une écrivaine très célèbre qui vivait aussi dans le même village, toute seule avec ses chats. Et cette anecdote me fascinait. Je me suis longtemps préoccupée de la question de savoir pourquoi cette femme vivait seule avec ses chats. Je devais avoir environ sept ans. » Quatre décennies plus tard et après avoir découvert l’œuvre de son illustre voisine qui n’était autre que l’autrice américaine Patricia Highsmith, la scénariste et réalisatrice zurichoise Eva Vitija, se plonge dans ses carnets de notes et journaux intimes conservés aux Archives littéraires suisses. « J’avais en tête l’image d’une écrivaine sombre, un peu cruelle, et soudainement j’ai découvert une sympathique jeune femme » déclare celle qui nous offre aujourd’hui Loving Highsmith, un passionnant documentaire à l’affiche le 15 juin prochain.
Mêlant les écrits personnels de l’autrice, images d’archives et interventions de ses amantes (l’écrivaine américaine Marijane Maeker, la traductrice française Monique Buffet et l’artiste berlinoise Tabea Blumenschein), le film retrace son œuvre à travers sa vie intime et son rapport à son homosexualité qu’elle n’a pas pu vivre au grand jour.
Texane issue d’une famille protestante, rejetée par sa mère et élevée par sa grand-mère jusqu’à l’âge de six ans, Patricia Highsmith a été forcée pendant de très longues années à mener une double vie en cachant ses amours à sa famille et au public. Ce n’est d’ailleurs que dans ses écrits inédits, publiés en novembre dernier, qu’elle s’exprime sur ce sujet omniprésent pour elle.
Le film, narré par Gwendoline Christie (Brienne dans Game of Trones) jette un nouvel éclairage sur sa vie et l’écriture de ses romans dont la plupart ont été adaptés pour le grand écran. L’Inconnu du Nord Express, Le Talentueux Mr Ripley… Et bien sûr, Carol, adapté en 2015 par Todd Haynes, roman en partie autobiographique, publié en 1952 sous le pseudonyme Claire Morgan. Une histoire d’amour lesbienne qui s’éloignait des conventions littéraires de l’époque, comme l’explique Eva Vitija : « Au début des années 1950 Carol est l’un des premiers romans qui laisse espérer que l’amour entre femmes est possible. En fait, Highsmith a montré le courage dans son écriture qu’elle ne pouvait pas maintenir dans la vie ». The Price of Salt, son titre en version originale, a eu beaucoup de succès, notamment chez les lesbiennes de l’époque, mais, comme vous le verrez dans le documentaire, Patricia Highsmith a insisté pour que toutes les éditions soient publiées sous un pseudonyme. Ce n’est que 40 ans plus tard, en 1990, délivrée de la pression familiale que l’écrivaine publie le roman sous son propre nom.
Comme le confie Eva Vitija, Loving Highsmith se veut être aussi un plaidoyer pour les femmes de la génération Highsmith qui ont combattu pour le droit de vivre et d’aimer conformément à leur véritable identité.
Le documentaire d’Eva Vitija s’appuie sur les journaux intimes inédits de la romancière qui ont été publiés le 3 novembre dernier à l’occasion du centenaire de sa naissance sous le titre Les écrits intimes de Patricia Highsmith, 1941-1995.
Découverts, après sa mort, les dix-huit journaux intimes et trente-huit carnets de notes cachés dans une armoire à linge de sa maison suisse ont été rédigés à la main de 1941 à 1995, en cinq langues pour les garder à l’abri des regards indiscrets. Ces écrits personnels publiés en France chez Calmann- Levy, contiennent la vie intime, sauvage et poignante de l’autrice, ainsi que des poèmes, des listes de lieux où elle a voyagé et vécu, des romans en cours de rédaction et des personnes les plus importantes à ses yeux.
Loving Highsmith, un documentaire d’Eva Vitija, au cinéma le 15 juin
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