Un jeune homme demande à sa mère et son frère de s’installer devant sa caméra. Quand il est certain que ça enregistre et que sa famille est bien installée, il lance sans détour : « Je suis gay ». Sa mère le prend dans ses bras et le rassure tandis son frère, amusé, est tout de même un peu choqué et ne comprend pas bien ce que cela signifie. Cette vidéo postée sur YouTube est celle qui ouvre le documentaire Coming Out, qui sort dans nos salles aujourd’hui, le 1er mai. Pendant une heure, Denis Parrot a compilé plusieurs vidéos trouvées sur le net où des jeunes gay, lesbiennes et trans font leur coming out et se filment en train de le faire. Un phénomène qui a aidé la parole à se libérer et qui donne lieu à un film touchant et nécessaire.
« J’ai quelque chose à te dire… »
Faire partie de la communauté LGBT implique, souvent, de devoir « sortir du placard » (de l’expression anglaise coming out of the closet) auprès de sa famille, ses amis ou ses collègues. Ce moment est vécu comme une épreuve pour beaucoup de jeunes gens car les réactions des proches est parfois difficile à anticiper et la société a encore beaucoup de mal à rendre cette étape aussi naturelle qu’elle ne devrait l’être. Denis Parrot, monteur et infographiste, a enfilé pour la première fois sa casquette de réalisateur et a choisi de s’intéresser au coming out par le biais d’un phénomène né à l’ère d’internet. Avant les réseaux sociaux, révéler son homosexualité restait un moment qui ne se partageait quasiment jamais et qui se vivait parfois dans une solitude extrême donc difficile à surmonter. À l’avènement de YouTube, de plus en plus de vidéos ont commencé à émerger dans lesquelles on pouvait voir des jeunes filles et garçons immortaliser le moment où ils se livraient à leur famille et partageaient leur expérience.
Pour Denis Parrot, cette volonté de filmer cette révélation peut être comprise comme un double besoin. Celui de « vouloir aider les autres en partageant une expérience intime et difficile, comme une invitation à la force et au courage ». Mais aussi celui « de rompre la solitude […] et d’intégrer un groupe. » Dans Coming Out, la caméra est montrée comme un objet rassurant qui relie ces jeunes au monde extérieur et les aide, d’une certaine manière, à se lancer plus facilement. Si la solitude que l’on évoquait plus haut a pu devenir moins pesante grâce aux réseaux sociaux, elle est encore bien présente dans la vie de nombreuses personnes LGBT et ce documentaire permet de souligner la nécessité de cette entraide virtuelle.
Le coming out à travers le monde
Mettre des mots sur ce que l’on est et sur ce que l’on ressent n’est facile pour personne. Mais cela s’avère encore plus difficile voire impossible lorsque l’on grandit dans des pays où l’homosexualité est interdite par la loi ou dans des communautés religieuses très peu ouvertes d’esprit. Sur les 1200 vidéos visionnées, Denis Parrot a choisi des témoignages venus des quatre coins du monde (Canada, Russie, États-Unis, Afrique du Sud, France, Japon…) pour présenter une vision globale de ce basculement charnière qui s’opère dans la vie des personnes LGBT. Celui lui permet aussi de mettre en avant des expériences très positives mais aussi beaucoup plus négatives.
Une jeune américaine raconte ainsi que sa mère l’a complètement rejetée lorsqu’elle lui a annoncé, à l’âge de 14 ans, qu’elle avait une petite amie. Une autre, qui ne montre pas son visage et dont on entend juste la voix sur des images saccadées, a peur de la réaction des autres s’ils apprennent qu’elle est attirée par les filles. Pire encore, cette vidéo effroyable où le jeune Daniel se fait mettre à la rue par ses parents et se fait violemment attaquer. Dans une autre vidéo, on peut également entendre le répondeur d’une église baptiste américaine qui clame avec virulence que « Dieu déteste les pédés ».
Éduquer les parents
Ce qui frappe aussi dans le documentaire est la notion de choix qui revient régulièrement dans les réactions des parents. En Afrique du Sud, une jeune fille révèle son homosexualité à sa mère par téléphone. Celle-ci maintient que sa fille a choisi d’être lesbienne et ne comprend donc pas que l’on puisse adopter ce mode de vie. Une autre mère pense que sa fille « n’a pas encore rencontré le bon » et ne veut pas vraiment comprendre que l’orientation sexuelle de son enfant n’a rien à voir avec cela.
Les réactions de ces parents sont symptomatiques d’une vision absurde de l’homosexualité qui persiste encore et qui voudrait nous faire croire que l’on choisi d’être attiré par le même sexe ou de changer de sexe, dans le cas de la transexualité. C’est aussi ce constat qui a poussé Denis Parrot à réaliser ce documentaire : « Je veux susciter une prise de conscience chez les parents : votre enfant est peut-être gay, lesbienne, bi ou trans et vous l’ignorez. Vous ne l’avez pas choisi, mais votre enfant ne l’a pas choisi non plus. […] Si les parents étaient préparés à cette éventualité, les choses seraient peut-être plus faciles ». Le documentaire rappelle d’ailleurs, à travers les témoignages de deux jeunes garçons qui ont tenté de se suicider, que l’homophobie tue encore bien plus qu’on ne le croit.
Sur des notes plus positives, on retiendra cette vidéo hilarante de Danny Noriega – plus connu sous le nom d’Adore Delano dans l’émission Rupaul’s Drag Race -, dont la complicité avec sa mère se révèle drôle et touchante. Et le coming out d’une jeune fille à sa grand-mère, au son de la chanson-hymne LGBT d’Ally Hills, qui se termine par des larmes de soulagement et des sourires bouleversants à voir.
Denis Parrot réalise donc un documentaire qui s’adresse aussi bien aux jeunes qui n’osent pas s’affirmer, aux parents qui ne savent pas comment réagir et plus généralement à tout le monde, pour que la société puisse enfin faciliter cette parole qui reste difficile à libérer.
Par Fanny Hubert
Coming Out de Dennis Parrot au cinéma le 1er mai
Article publié dans le numéro 62 de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !