Présenté en film d’ouverture à la semaine internationale de la critique à Cannes en 2013, (bonne année, meilleurs films !) Suzanne est le second long-métrage de Katell Quillévéré après Un poison Violent.
Qui sommes-nous ? Où allons nous ? A quoi aspirons nous vraiment au fond ? Peu à peu ce récit d’une vie qui aurait pu être la nôtre, se meut en une éblouissante quête d’identité. Suzanne, sa vie, ses folies, son enfance jusqu’au début de l’âge adulte : 30 ans. L’ambition était grande, le film est à la hauteur. Une caméra amoureuse nous offrant les deux plus beaux visages féminins après La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (Sara Forestier et Adèle Haenel). Deux actrices dont les traits changent après les drames mais toujours plus resplendissants, criant dans leurs silences parfois, que la vie en vaut la peine.
La force de la réalisatrice est de ne jamais porter de jugement et d’offrir une pudeur hors-normes, souvent bannie au cinéma du « trop parler pour ne rien dire ». Nos vies nous appartiennent, nous pouvons être jugés, subjugués, émerveillés, jalousés, le destin est tiré par les fils que portent nos doigts. Personne ne peut aimer à notre place, chacun est par moment irresponsable et fou. Il est question d’Amour, de rencontres, de piliers familiaux, d’absences. A coups d’ellipses, Katell Quillévéré dresse un drame naturaliste teinté de scènes reflétant une très belle lumière, celle qui rend les conséquences de nos actes moins graves, effleurant la moindre émotion intime. Confondus avec une B.O terriblement mélancolique (Electrane, groupe de rock exclusivement féminin), ces moments de vie choisis, sont des tableaux de maître à l’usage de ceux qui trouvent une beauté fascinante dans la routine des jours.
Le père de Suzanne (François Damiens) est routier, sa fille semble prendre les mauvaises sorties. Chez Suzanne se mêlent liberté et inconscience, sensibilité extrême et souhait d’assumer, amour passionné et renoncement. Les ailes de Suzanne vont brûler, et c’est comme ça que sa vie vibre. A ce personnage fougueux, s’oppose sa sœur, tendre, courageuse, trouvant dans sa solitude et le travail un chemin balisé et des valeurs. Pourtant les deux filles ont tissés des liens inaliénables, donnant au film une profondeur encore plus travaillée.
Les drames rattrapent souvent notre anti-héroïne qui fuit son destin dans l’espoir d’un ailleurs meilleur, pourtant tout résonne comme une ode à la vie, à sa capacité à nous présenter ce qu’elle a de plus beau. Puis la médaille se tourne et le pire nous attrape la gorge. Ah que la route de la vie est parfois mauvaise. Oh, que ce film est incontournable.
Ressentir, toujours. Voilà la seule faiblesse qui nous fait hésiter entre deux voies, plus communément appelé Raison et Passion.
Par Chloé