Au cœur des paysages pittoresques du Finistère, un événement se prépare pour le 17 septembre prochain. Alors que l’été tire doucement sa révérence, une célébration de la diversité et de l’amour au sein de la communauté LGBTQIA+ des zones rurales s’apprête à colorer le stade municipal de Plogoff. Milo Penicaut et Maud Plantec nous présentent cet événement qui s’annonce à la fois festif et enrichissant.
Qu’est-ce qui vous a inspiré⋅e⋅s à organiser un pique-nique des fiertés spécifiquement en milieu rural, et pourquoi avoir choisi le Cap Sizun comme toile de fond de cette célébration unique ? On aime beaucoup se rendre aux Pride (Marches des Fiertés) en ville, et chaque année, on a un petit pincement au cœur de constater qu’elles sont si rares à la campagne. On a été très inspiré·es par l’écoute de Champs Queer, un podcast que la journaliste Elodie Potente a consacré à la Pride de Crest, dans la Drôme. Et on s’est dit, pourquoi on ne pourrait pas organiser une Pride qui nous ressemble, dans le littoral breton sur lequel on habite, le Cap Sizun ? C’est difficile de se retrouver entre personnes queer à la campagne, en l’absence de lieux de socialisation dédiés. On avait envie de combler ce manque, de proposer un moment pour se rencontrer, se retrouver, entre personnes queer rurales. Qui nous ressemble ça voulait aussi dire proposer une célébration queer calme, douce, en lien avec le vivant. On adore de temps en temps un étincelant show queer, un festival technopaillette. Mais au quotidien, on est plutôt des queers discrets·x, câlin·x qui essayent de ne pas déranger la biche d’à côté !
L’idée d’un pique-nique intergénérationnel est particulièrement captivante. Comment envisagez-vous le mélange des expériences et des générations pour créer une ambiance aussi chaleureuse qu’inclusive ? C’était très important pour nous de proposer quelque chose d’intergénérationnel. Déjà, parce qu’en tant que personnes de notre génération (fin de la vingtaine), on doit tellement à nos aîné·es queer. C’est essentiel de garder le lien entre les générations. Iels ont beaucoup à nous apprendre. On a aussi beaucoup à apprendre des plus jeunes, qui sont incroyablement informé·es et engagé·es. Et puis ça se mélange beaucoup dans nos cercles sociaux ici, on a des ami·es de tout âge, et c’est très chouette. On ne vient pas toustes du même endroit, on n’a pas toustes le même bagage militant ni la même radicalité politique. Parfois, il y a des incompréhensions, parfois ça grince entre générations. Mais c’est enrichissant, en fait. Ça invite à l’écoute, à l’humilité. À faire confiance. Ça nous pousse à vraiment faire le travail de la différence dont parlait Audre Lorde. On a à cœur d’être inclusifves et dans le care, c’est notre façon d’être queer. Il y a aura un stand d’accueil, pour identifier les prénoms et pronoms, pour rappeler que les propos et actes transphobes, racistes, validistes, grossophobes, etc., ne sont pas les bienvenus à ce pique-nique, et pour proposer des ressources (un lexique, des brochures) afin de mieux comprendre ces formes d’oppression. On a aussi prévu aussi un stand de collecte de voix, pour que toustes puissent parler librement dans un micro et raconter des anecdotes, des témoignages de luttes. On espère que ça donnera une jolie archive intergénérationnelle sur ce que c’est d’être queer à la campagne : ce qui fait dénominateur commun dans ces existences, mais aussi les mille façons de l’être !
Au-delà des festivités, la présence de la librairie itinérante « Les Guérillères » et de stands d’information suggère un accent sur l’éducation et la sensibilisation. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’impact que vous souhaitez susciter dans la communauté rurale et bretonne par le biais de ces activités ? Pour nous, ce qui nous rassemble en tant que personnes LGBTQIA+, c’est notre déviance aux normes cis et hétéro, mais aussi toute une culture, avec ses codes, ses luttes, ses récits, ses histoires. Ça faisait sens d’inviter Clotilde et sa librairie itinérante bretonne. On avait envie de rassembler les gens aussi autour de ça, de notre culture commune, à laquelle on n’a malheureusement pas facilement accès – un peu plus grâce à internet. Clotilde fait un travail incroyable d’accessibilité à cette culture en territoire rural, on a beaucoup de chance de l’avoir. Dans son fonds, il y a des livres pour sensibiliser et éduquer. Mais il y a aussi beaucoup de fiction, ce qui est très important pour nous. En tant que personnes queer, c’est précieux de pouvoir s’échapper dans des mondes où il y a des personnages qui nous ressemblent, de pouvoir lire des histoires qui imaginent des futurs souhaitables pour nos existences déviantes. Ça fait du bien, ça aide à tenir face à la violence du monde réel.
Quelles sont vos aspirations pour l’avenir de cet événement ? Envisagez-vous une tradition annuelle pour ces fiertés rurales dans la région ? Pour cette première édition, on s’est dit qu’on commençait petit, avec les moyens du bord. On voulait faire quelque chose de simple, de facile à mettre en œuvre un peu partout. Notre intention n’est pas d’en faire un truc énorme, mais de s’ajuster au plus proche du territoire et des expériences locales. On veut contribuer à tisser un réseau d’amitié, de création et de soutien entre queers ruraux·ales. En tout cas, on espère qu’ici, ça parlera à des personnes ! Nous, ça nous plairait beaucoup d’en faire quelque chose d’annuel. On a déjà plein d’idées pour la suite !
Rendez-vous le 17 septembre 2023, à partir de 13h au stade municipal de Plogoff (29)
Plus d’information : 0661026360
Info logistique : si vous le pouvez, ramenez de quoi grignoter ainsi qu’assiette, couverts et gourde.
Cette rencontre a été initialement publiée dans le numéro 110 de Jeanne Magazine.
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