La communauté LGBT+ aveyronnaise marchera dans les rues de Rodez pour la première fois cette année. Et c’est l’association Alertes qui est à l’origine de cet événement. C’est avec un message de solidarité “Fièr·e·s et solidaires. 10 ans d’action militante en Aveyron” que l’association souhaite rassembler les Aveyronnais LGBT+ ce samedi 21 mai à Rodez. Rencontre.
Pouvez-vous nous présenter l’association Alertes en quelques mots ? Nous sommes une soixantaine d’adhérents au sein de l’association Alertes. Une quinzaine de bénévoles fait partie du noyau actif. Nous nous retrouvons régulièrement autour d’apéros, de randonnées, de sorties culturelles toujours avec l’idée d’ouvrir ces événements à tout le monde, adhérent ou pas.
L’association participe aussi à des actions de sensibilisation et pour beaucoup d’entre nous, c’est ce qui nous touche le plus. Tout au long de l’année, nous sommes sollicités par des groupes scolaires, des centres de formations mais aussi par d’autres associations ou des organismes publics, afin d’intervenir autour de la thématique LGBTQIA+. On essaye de rendre ces interventions les plus accessibles et ludiques possible. Par ailleurs, nous accueillons également des personnes en recherche de dialogue, de soutien lors de permanences que nous donnons régulièrement tous les mois.
Depuis quelques années, nous suivons aussi des demandeurs d’asile qui fuient leur pays à cause des lois ou des religions qui pénalisent l’homosexualité. C’est un travail éprouvant et difficile pour nos bénévoles. Il faut dire que les démarches sont difficiles. Humainement, cela nous apporte beaucoup, même si parfois, nous faisons face à des déceptions.
Plus ponctuellement, nous participons à des événements comme le Sidaction, le festival de cinéma toulousain DIAM et aux prides. Cette année nous organisons nous-même notre première Marche des fiertés à Rodez, qui est le premier événement d’une telle ampleur que l’on organise.
Vous célébrez les 10 ans de l’association en organisant la première Marche des fiertés à Rodez. Quel est le message que vous souhaitez communiquer à cette occasion ? Cela fait déjà plusieurs années que nous rêvons de cette Marche des fiertés à Rodez. C’est une réussite pour nous qu’elle peut enfin avoir lieu. Finalement, nous avons bien fait d’attendre nos 10 ans car nous sommes d’autant plus motivés. Bien qu’honnêtement, organiser un tel événement à nous seuls demande un investissement personnel éprouvant.
Ainsi, pour marquer notre toute première Marche (et pas la dernière) de ce samedi 21 mai 2022, nous avons choisi un message simple et tout aussi efficace puisque notre slogan est : “Fièr·e·s et solidaires. 10 ans d’action militante en Aveyron”.
Fier·e·s de nos bénévoles, fier·e·s de notre association, de nos valeurs communes et surtout fier·e·s du travail accompli ces dernières années puisque cela fait 10 ans que nous sommes présents sur le territoire aveyronnais et que nous y militons. Nous sommes aussi fier·e·s de notre identité puisque nous pensons qu’en affichant cette fierté, et donc en étant visibles, nous changeons petit à petit les mentalités. La fierté est vecteur de changement si elle est juste et apportée avec humilité.
Solidaire car l’actualité mondiale de ces derniers mois nous a donné l’envie de mettre ce pan-là de notre association en avant et cela renvoie évidemment à l’éprouvant travail de soutien que nous menons auprès des demandeurs d’asile. La journée sera aussi l’occasion de soutenir et de collecter de l’argent pour l’association ADEFHO qui milite pour les droits des personnes homosexuelles au Cameroun.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette journée des fiertés à Rodez ? Et qu’attendez-vous de cette grande première ? Dès 13h30, nous ouvrons avec un village associatif sur la place de la cité. Une douzaine d’associations a répondu présente : Le Refuge, Noustoutes, le Planning Familial, ENIPSE, Homodonneur, Out? Coming? (du Gard), le collectif LBD (de Villefranche de Rouergue), Relais VIH, Attac etc. Nous sommes encore en attente d’autres réponses. La marche commencera à 15h30 depuis le village avec en tête de cortège un char qui accueillera une DJ bien connue des soirées toulousaines : Mamelle Bent. C’est un honneur pour nous de la recevoir ! Nous prévoyons une prise de parole avec les associations présentes et l’occasion sera aussi de rendre hommage aux créateurs·trices d’Alertes et de célébrer l’engagement de tous les bénévoles qui ont milité depuis 10 ans. Puis, d’autres DJ prolongeront la soirée dans un tiers lieu appelé Station A.
Concernant notre objectif, l’idée est de réussir à occuper de l’espace médiatique, visuel et de donner de la visibilité aux LGBTQIA+ sur notre territoire aveyronnais. Or nous sommes déjà très satisfaits puisque nous voyons que l’impact est déjà bien présent. En effet, nous ressentons déjà un engouement assez important, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en sollicitation directe.
Avec des pancartes aux messages évocateurs – “Pédaysan”, “Queer des villes, Queer des champs” – brandies lors de la Marche des Fiertés du 14 mai à Villefranche-de-Rouergue (en Aveyron également), on comprend que les revendications ont une saveur plus rurale. En quoi pensez-vous, qu’en 2022, on vit différemment être une personne LGBT selon qu’on réside en ville ou à la campagne ? Avant tout, il faut préciser que la pride de Villefranche a été organisée par Les Bonnes Débroussailleuses, qui est un super collectif de l’ouest Aveyron avec qui nous avons eu l’occasion de collaborer avec grand plaisir sur plusieurs événements. Nos actions sont très complémentaires. D’ailleurs le collectif sera présent sur le village associatif de la marche.
Précision faîte, la question posée sur la différence entre vivre à la campagne et vivre en ville est très intéressante. Nous pouvons essayer d’y répondre d’autant plus que certains bénévoles habitent Rodez et portent un peu ces 2 casquettes. Les Ruthénois sont souvent perçus comme des ruraux par les habitants des grandes métropoles (Toulouse ou Montpellier), tout en étant perçus comme des citadins par les habitants des petits villages du département.
En tant qu’association LGBTQIA+ qui œuvre en Aveyron depuis 10 ans, le retour que nous pouvons faire est que l’on remarque globalement une réelle souffrance et un isolement des personnes LGBTQIA+ sur le territoire. La diversité des représentations dans l’espace public, l’anonymat, les possibilités de rencontres sont clairement moindres. À l’adolescence, les jeunes cherchent souvent à partir dans les grandes villes comme Toulouse ou Montpellier qui offrent davantage de possibilités.
Ceci étant dit, les ressentis diffèrent en fonction des histoires personnelles, des identités mais aussi en fonction des lieux de vie. La souffrance est peut-être moins importante pour ceux qui vivent dans les villes de taille moyenne du département comme Rodez voire Millau ou Villefranche de Rouergue. Surtout depuis ces dernières années, ce ressenti peut avoir tendance à s’atténuer grâce à l’évolution des mentalités. En effet, les habitants des territoires ruraux sont parfois dénigrés et perçus comme fermés d’esprit, pourtant, les choses évoluent dans le bon sens et nous remarquons de réels progrès. Même s’il y a encore du chemin à faire, soulignons-le aussi. Les réseaux sociaux participent également à rompre en partie l’isolement vécu chez les LGBTQIA+ de notre territoire rural. Et bien sûr, on espère que notre association apporte son aide supplémentaire.
D’autant plus que vivre en Aveyron n’est pas toujours un choix subi ! Nous remarquons depuis ces toutes dernières années que certaines personnes, ayant des attaches aveyronnaises ou pas et qui s’identifient à la communauté LGBTQIA+ choisissent de venir s’installer sur notre département. Des fois, ils font le choix d’un mode de vie alternatif et préfèrent habiter dans les petits villages. Un peu à l’image du collectif LBD basé sur l’Ouest Aveyron.
D’ailleurs, les slogans qui ont été aperçus lors de la marche de Villefranche sont un petit pied de nez aux citadins, un brin provocateur, ayant pour but de rappeler que la communauté LGBTQIA+ est aussi présente dans les campagnes. Encore une fois, soyons fier·e·s de cette autre identité campagnarde puisque c’est en étant visible qu’on fait aussi évoluer les a priori sur la ruralité. Ce travail est nécessaire parfois même au sein de notre propre communauté.
La dernière évolution positive que nous souhaitons souligner se passe au sein même de l’association Alertes ! Cette année, il y a un rajeunissement du conseil d’administration avec de nouveaux jeunes (entre 20 et 35 ans) ainsi que des lycéens qui se rapprochent de nous pour devenir bénévoles. Ce qui n’était pas le cas il y a encore quelque temps.
Quels sont, selon vous, les défis à relever et les combats à mener pour notre communauté et plus particulièrement pour les personnes LGBT en Aveyron ? Malgré toutes ces évolutions positives, il faut quand même rester prudent. Car il y a encore des progrès à faire et il faut aussi se rappeler que les droits acquis peuvent toujours être remis en cause du jour au lendemain ou d’une élection à l’autre. Surtout dans les territoires ruraux où les votes pour des partis qui véhiculent des discours antiLGBTQIA+ sont encore bien présents. La pédagogie, la sensibilisation, tout cela est important pour se faire accepter et nous continuerons à militer en Aveyron tant qu’il le faudra.
Notre cheval de bataille reste donc la visibilité puisque c’est ce qui participe à l’ouverture d’esprit et à l’acceptation. Or nous souhaitons que cette visibilité tende vers un maximum d’inclusivité. Il faut dire que dans la société, le militantisme est depuis quelques années assez orienté vers l’inclusion des homosexuels blancs et valides or ce n’est plus forcément pour ce genre de public qu’il est le plus difficile de se faire accepter et reconnaître dorénavant. Alors, nous essayons d’élargir un peu plus nos champs d’action.
Ainsi, la question de la visibilité lesbienne nous tient très à cœur. En effet, les personnes s’identifiant comme lesbiennes subissent une double discrimination à savoir du sexisme lié à leur identité de genre et de l’homophobie. Typiquement, l’on constate que leur présence est largement moindre dans les productions culturelles ou dans les médias par rapport aux hommes homosexuels. Cette impulsion pour une plus grande visibilité est donnée par l’arrivée, depuis plusieurs années, de bénévoles qui se définissent comme lesbiennes ou bies. D’ailleurs, nous remarquons que le public touché sur les réseaux sociaux est plutôt féminin puisque nous avons plus de 60% des likes de la page Facebook qui se définissent comme étant des femmes.
Rendez-vous samedi 21 mai à 13h30 place de la Cité à Rodez pour participer à la première Marche des fiertés de la ville.
Sur la photo, de gauche à droite : Elina, Vanessa, Alexis, Blaise, Céline (en bas), Marion, Laurine et Johnny (en bas).
Soutenir les initiatives lesbiennes, c’est soutenir notre visibilité, notre existence. En rejoignant Jeanne, vous appartenez à une communauté qui fait bouger les lignes.
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