[Mise à jour du 19/09/2015 : la réaction de Catherine Corsini, réalisatrice du film La Belle Saison]
Aujourd’hui, jeudi 17 septembre, le film La Belle Saison est programmé par l’association Cinéval en partenariat avec la mairie de Camaret-Sur-Aigues, mais l’affiche du film a été retirée du site de la ville et dans la mairie.
Le maire FN, Philippe de Beauregard, fait valoir « sa liberté d’expression et son droit à la critique » pour ne pas promouvoir ce film entre les murs de la mairie : « J’ai vu ce film et il comprend de nombreuses scènes de nature à perturber un jeune public et il n’y a aucun avertissement et aucune restriction d’âge indiqués. En tant que citoyen, je mets en garde les parents. »
Concernant la question de la relation entre les deux femmes, il a déclaré : « S’il s’agissait d’une relation hétérosexuelle, j’aurais eu la même réaction. Ce sont les scènes érotiques en gros plans qui ne sont pas destinées à tous les publics. Le partenariat avec l’association est maintenu. Je pense qu’ils auraient pu choisir un autre film. »… Voilà voilà
Source et photo : Le Dauphiné
Ci-dessous, vous pouvez découvrir la lettre ouverte de Catherine Corsini à M. Philippe de Beauregard (Maire de Camaret-sur-Aigues) publiée sur le site de la société des réalisateurs de films.
« Cachez ce sein que je ne saurais voir » (Molière)
A vous en croire, Monsieur Philippe de Beauregard, on devrait rhabiller les statues de nues, mettre un voile sur les peintures de Courbet, Manet, Renoir et de tous les peintres qui ont su croquer la nudité avec réalisme. Nous devrions aussi interdire les musées à la jeunesse, fermer les salles qui montrent des corps de femmes entre elles, nus, alanguis, accouplés dans des poses suggestives. Pourtant, la nudité dans l’art est apparue dès les premiers dessins de l’époque préhistorique. La nudité féminine était là, bien avant l’apparition de la religion chrétienne, symbole de fertilité, d’érotisme, et symbole de la famille.
Ce qu’on voit dans La Belle Saison, c’est la nudité des corps, dans leur liberté, dans leur beauté et dans leur insouciance face au désir, ce sont les visages, les rires, les sourires de deux femmes qui évoquent l’appétit de la vie. Est-cela qui vous choque? Est-ce la caméra qui découvre les poils pubiens d’une actrice, en gros plan comme un tableau, qui vous trouble, ou est-ce de voir deux femmes s’aimer ?
Ce procès d’intention pourrait faire sourire, tant ni le film en salles depuis des semaines, ni l’affiche placardée dans toute la France n’ont suscité de polémique. Mais vous n’en êtes pas resté aux mots et vous avez fait retirer l’affiche de votre mairie et de votre site internet, ce qui constitue un acte autoritaire, intolérable. On se demande qui est le pervers dans l’accusation que vous portez au film. Monsieur, votre censure s’inscrit dans une lignée qu’on connaît bien, c’est celle qui, il y a quelques mois voulait faire interdire l’affiche de L’Inconnu de lac d’Alain Guiraudie, celle qui sous couvert de protéger les valeurs familiales, répand les passions tristes et la haine du corps.
Mais souvenons nous que c’est cette censure qui s’est attaquée aux poèmes de Baudelaire, pour qu’on ne l’entende jamais parler dans Lesbos de « baisers chauds comme les soleils » de « baisers qui sont comme les cascades orageux et secrets, fourmillants et profonds », des « filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses ». « Car Lesbos entre tous m’a choisi sur la terre pour chanter le secret de ses vierges en fleurs ».
Catherine Corsini