La semaine dernière, le tribunal de Pékin a accepté de donner suite à la plainte de Chen Qiuyan, une jeune étudiante lesbienne chinoise, déposée il y a six mois, contre le ministère de l’éducation de Chine, en raison du fait que dans les livres scolaires, l’homosexualité est considérée comme « un désordre psychologique ». Bien que le procès n’ait pas encore de date précise, beaucoup considèrent déjà cette décision de la Cour comme une grande avancée.
L’histoire commence à l’université : Après avoir ressentie une attirance envers une amie, la jeune fille avait essayé de mettre des mots sur ce qu’elle ressentait en se rendant sur internet. Mais sur la toile, la jeune étudiante était tombée sur des commentaires qualifiant les homosexuels de dégénérés. « J’ai commencé à me dire que je n’étais pas normale » explique la jeune fille qui s’est alors demandée si elle devait envisager une « thérapie de conversion » ou s’accepter telle qu’elle est.
Pour approfondir le sujet, elle a décidé de consulter les manuels scolaires destinés aux étudiants en psychologie et psychiatrie sur le sujet, en pensant qu’ils seraient, eux, objectifs… Mais sur la vingtaine de livres, tous décrivaient l’homosexualité comme une « sorte de maladie », et donnaient des informations sur les « traitements » qui permettent de rendre les personnes homosexuelles « normales ». Heureusement, ses amis étudiants en médecine lui ont alors parlé d’une étude, publiée en 2001, qui ne considérait pas l’homosexualité comme une maladie.
« Il est facile pour les gens d’ignorer que de tels ouvrages puissent heurter les étudiants LBGT. Je voulais faire quelque chose qui permettrait d’améliorer la situation ».
En mars 2015, avec une dizaine d’amis, Chen Qiuyan a donc décidé d’envoyer une lettre à l’administration d’état de la presse, média, radio, film et télévision ainsi qu’au bureau de l’éducation de Guangdong pour expliquer que certains livres contenaient des informations erronées sur l’homosexualité. Mais le retour ne fut pas celui espéré, puisque le bureau des publications de l’éducation de Quangdong lui a répondu que rien n’était erroné dans ces manuels scolaires. La jeune femme a donc décidé de porter le sujet jusqu’au tribunal pour porter plainte contre le ministère de l’éducation pour « inaction ».
Suite à son initiative, un membre de l’université, effrayé par les répercussions que cette plainte pourrait avoir sur l’école, a appelé les parents de Chen Qiuyan pour leurs expliquer ce qu’était en train de faire leur fille, qui fut de ce fait obligée de faire son coming out auprès de ses parents. Sa famille ne lui fut d’aucune aide, elle l’a menacée de lui couper les vivres si elle s’engageait dans cette voie, mais aussi de l’envoyer dans un hôpital pour la faire examiner.
Aujourd’hui, avec la décision du tribunal de donner suite à sa plainte, Chen Qiuyan est enfin heureuse de voir que son action a permis de changer un peu la situation pour d’autres étudiants, qui pour certains ont fait leur coming out auprès de leurs amis et famille : « Je pense que c’est une grande avancée, cela montre aux gens le genre de problèmes que les personnes LGBT rencontrent » explique Chen Qiuyan.
Chen Qiuyan, contactée par CNN, a expliqué être surprise que le tribunal de Pékin prenne sa plainte en compte et pense que c’est une victoire remarquable dans le combat qu’elle mène : s’assurer que l’homosexualité soit expliquée de manière correcte dans les manuels scolaires. « Cela n’a pas d’importance que je gagne ou perde (…). Ce qui compte est que le Ministère de l’éducation va devoir s’expliquer sur ce qui est inscrit dans les manuels scolaires ».